Deux chefs de file de l’industrie du jeu vidéo interactif, Ubisoft et THQ, se livrent une concurrence féroce non seulement auprès des amateurs de jeux, mais aussi pour conserver et recruter des employés extrêmement spécialisés. Dans un contexte de pénurie de talents, Ubisoft est la cible de campagnes de recrutement «agressives» de la part de ses concurrents, à tel point qu’elle s’est adressée aux tribunaux pour résoudre la situation…

Le jugement

Ubisoft s’est adressée avec succès à la Cour supérieure afin de mettre un frein à des pratiques qui contreviennent aux engagements de non-concurrence et de non-sollicitation auxquels sont tenus la plupart de ses employés.

Le tribunal a ordonné à un ancien employé de cesser de solliciter ses ex-collègues afin qu’ils se joignent à son nouvel employeur, THQ. Des ordonnances ont également été rendues contre cette dernière.

La juge écrit que, si THQ poursuit sa sollicitation comme elle le fait actuellement, «non seulement Ubisoft se trouvera démunie face à une situation qui lui demandera énormément d’efforts pour recomposer des équipes aux fins de maintenir sa position dans le marché, mais son prestige et sa réputation s’en trouveront du coup atteints, ceci d’autant plus qu’elle œuvre dans un domaine hautement spécialisé où la concurrence est rapidement au fait de la moindre nouvelle».

L’intérêt légitime d’un employeur dépasse le cadre strictement financier

Dans cette affaire, le préjudice subi ne se limite pas à une simple question financière. Ubisoft craint de perdre la confiance de ses employés qui constatent que les meilleurs éléments de l’entreprise sont recrutés par un de ses concurrents majeurs.

Cette décision est particulièrement intéressante puisqu’elle traite de l’intérêt légitime d’un employeur de se protéger contre la perte de membres de son personnel, alors que la plupart des jugements illustrent plutôt des situations où une entreprise craint de perdre sa clientèle au profit d’un concurrent.

Il est certain que le niveau hautement spécialisé des salariés, dans un secteur où l’on fait appel à leur grande créativité, y est pour quelque chose, surtout dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre.

L’ordonnance n’empêchera pas THQ d’embaucher des personnes qualifiées. Cependant, jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu sur le fond, elle devra le faire par des moyens généraux de sollicitation qui s’adressent à une collectivité et non pas à des individus ciblés.

 Le texte intégral du jugement est disponible ici : Ubisoft Divertissements inc. c. THQ Montréal inc.* (C.S., 2011-07-13), 2011 QCCS 3568, SOQUIJ AZ-50770107. Par ailleurs, nous sommes dans l’attente d’un jugement de la Cour d’appel qui doit se prononcer au sujet d’une procédure semblable opposant Ubisoft à THQ et un autre ex-employé : [Correction du 19 décembre] La permission d’interjeter appel a été accordée (THQ Montréal inc. c. Ubisoft Divertissements inc. (C.A., 2011-08-04), 2011 QCCA 1444, SOQUIJ AZ-50776796) et un billet se penchera sur le résultat prochainement. . 

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