Pour commencer l’année du bon pied, je vous propose une revue des décisions rendues au cours des deux dernières années en matière de contrat de mandat (à l’exclusion de celles traitant des mandats en cas d’inaptitude) :

1 ) Gestion HC ltée c. Valeurs mobilières TD inc. (C.S., 2011-03-28)

Le défendeur, un conseiller en placement, a agi à titre de mandataire pour les demandeurs. Étant donné que certaines transactions proposées se sont révélées non rentables et que ses clients ont subi une perte financière, le mandataire a été condamné à leur payer des dommages-intérêts de 2 379 355 $.

2 ) Raymark Xpert Business Systems Inc. c. Brosseau-Nestor (C.A., 2011-02-04)

Dans cette décision, la Cour d’appel a confirmé un jugement de la Cour supérieure ayant conclu que les modifications apportées au contrat de travail de la salariée étaient valides en raison de la théorie du mandat apparent. Les modifications avaient été signées par la supérieure immédiate de la salariée, et la juge de première instance a estimé vraisemblable qu’elle ait été mandatée par l’employeur. De plus, la salariée avait reçu son salaire selon la nouvelle rémunération négociée. Par conséquent, la juge a décidé que toute personne normalement avisée placée dans les mêmes circonstances aurait conclu à une apparence de mandat.

3 ) Compagnie d’assurances Missisquoi c. Pétro-Canada (C.A., 2010-11-17)

Le juge de première instance a conclu que l’intimée ignorait que sa locataire contrevenait aux exigences de son bail en exerçant l’activité prohibée de louer à des tiers des places de stationnement sur le terrain de sa station-service. Par conséquent, il a conclu qu’elle ne pouvait être tenue responsable de la faute commise par sa locataire. La Cour d’appel a refusé d’intervenir et de reconnaître l’existence d’un mandat apparent quant à cette activité car, selon elle, le fait que l’intimée ait permis à sa locataire d’utiliser sa bannière ne suffit pas en soi à établir un mandat apparent.

4 ) Inkas Security Services Ltd. c. Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux (C.A., 2010-09-14)

Un mandat apparent existait entre Services blindés Métropolitain inc. et Inkas Security Services Ltd., deux entreprises de transport de valeurs, qui avait donné à la clientèle toutes les raisons de croire à l’existence d’un lien étroit entre les deux entités, notamment par l’utilisation d’un logo semblable et du même assureur. Par conséquent, c’est à bon droit que la juge de première instance a tenu Inkas responsable de la perte subie par les intimés à la suite de la disparition de deux sacs d’argent confiés à Services blindés Métropolitain.

5 ) Matte c. Charron (C.A., 2010-08-18)

Dans une relation conjugale hors mariage, il peut y avoir un mandat entre les conjoints même s’ils ne sont pas officiellement liés par les devoirs réciproques de secours et d’assistance qui caractérisent les rapports juridiques entre époux. Rien n’empêche donc de reconnaître l’existence, entre conjoints de fait, d’un mandat d’affaires qui — si cela est le reflet de leur intention commune — n’aura rien de «domestique».

6 ) Corporation Jetsgo (Syndic de) (C.A., 2010-07-07)

Dans une affaire de faillite, la Cour d’appel a confirmé que l’employeur failli détenait les primes d’assurance collective déduites du salaire de ses employés dans le seul but de les remettre à l’assureur. Par conséquent, il n’en était pas propriétaire, puisqu’il agissait à titre de mandataire pour ses employés, et la réclamation prouvable de l’assureur, qui voulait récupérer ces sommes, devait être rejetée.

7 ) Ouellet c. Demers (C.S., 2010-07-05)

Dans cette affaire, un comptable fiscaliste a été tenu responsable des conséquences financières résultant d’un manquement à ses obligations de conseil, de suivi et de diligence relativement à la vérification d’états financiers et à l’examen de la structure fiscale d’une entreprise. Il a été condamné solidairement, avec une firme de comptables, à des dommages-intérêts de 68 877$.

8 ) Brosseau c. Desjardins Ford ltée (C.Q., 2010-05-03)

La défenderesse, qui a agi de manière à faire croire au salarié qu’il avait conclu un contrat avec elle et qu’elle était son employeur, est liée par le contrat de travail intervenu par l’application de la théorie du mandat apparent. Une personne normalement avisée, placée dans les mêmes circonstances et devant les mêmes apparences aurait en toute probabilité conclu qu’elle faisait affaire avec la défenderesse.

9 ) Commission des normes du travail c. Claude F. Archambault & associés inc. (C.Q., 2010-04-15)

La Commission des normes du travail a établi l’existence d’un lien de droit entre une secrétaire congédiée et l’avocate chargée d’administrer le cabinet d’un collègue, vu l’existence d’un mandat apparent. En effet, cette avocate, à qui le Barreau du Québec avait confié l’administration du compte en fidéicommis de la firme, avait accepté de s’occuper des recettes et des dépenses de l’entreprise, en son nom personnel, et elle payait les fournisseurs. Un mandat apparent se dégage donc du fait qu’elle honorait toujours les contrats intervenus pour l’exploitation du cabinet.

10 ) Pascale c. Manta (C.Q., 2010-01-15)

Dans cette affaire, le défendeur, qui avait «prêté» son nom à la mandante, une agente de voyages, sans dévoiler sa qualité de mandataire aux tiers à qui il vendait des billets d’avion, a été tenu personnellement responsable du fait que ceux-ci n’ont jamais été livrés, et ce, conformément à l’article 2157 du Code civil du Québec.

Pour en savoir plus sur le mandat et connaître les 10 jugements essentiels en la matière, je vous suggère de consulter le billet de Me Michael Schacter publié dans le CRL en Bref d’octobre 2011.

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