Tant au cinéma qu’à la télévision, nous avons pu voir le scénario suivant au point de le connaître, lui et toutes ses variations, par cœur : X et Y cherchent tous deux à avoir l’amour de Z, se croyant chacun son âme sœur, et ils se disputent le prix ultime. Après avoir lu cette dernière phrase, vous avez sûrement des titres de films ou de séries qui vous sont venus en tête. Cependant, si je modifiais ce scénario et vous en proposais un où X et Y se disputent le titre d’époux légitime de Z, trouveriez-vous quelques références aussi facilement? Si votre réponse à cette question est négative, n’ayez crainte. J’ai votre référence, tirée non pas de la culture populaire, mais d’un dossier bien particulier.

Notre histoire commence en 1961 alors que B.M. marie sa première épouse. En 2002, un jugement conditionnel de divorce est prononcé, mais la juge saisie du dossier souligne qu’une requête doit être présentée trois mois plus tard pour le rendre irrévocable. Une telle requête n’est jamais présentée, mais un certificat de divorce est erronément délivré aux époux, de sorte que B.M. se remarie au mois de juin, ayant l’impression que son divorce était officiel. Après le décès de B.M., en 2009, la première épouse présente une requête pour faire déclarer nul le certificat de divorce, invoquant le fait que ni elle ni B.M. n’avaient demandé que le jugement conditionnel soit déclaré irrévocable.

Dans un jugement rendu en mars 2010, le juge André Provost conclut que les règles du divorce sont d’ordre public et que les époux étaient toujours mariés à la date du décès de B.M., et ce, même s’ils avaient été induits en erreur par la délivrance d’un certificat de divorce. Il déclare donc la nullité du certificat de mariage et ordonne au Directeur de l’état civil d’y indiquer que le mariage avait été dissous par le décès de B.M.

Ce jugement ne constitue toutefois pas notre dénouement ultime. En effet, la seconde épouse présente par la suite sa propre requête, demandant au tribunal de déclarer que son mariage est effectivement nul mais que, à cause de sa bonne foi, elle a droit à ce que le mariage produise tous les effets putatifs prévus par le législateur. De son côté, la première épouse demande qu’une correction soit apportée au certificat de mariage pour qu’elle y soit désignée comme étant la conjointe survivante de B.M., ce qui lui permettra de bénéficier de ses droits en vertu de la Loi sur le régime de rentes du Québec.

En février 2012, la juge Ginette Piché, saisie de ces deux requêtes, conclut dans Droit de la famille — 12246 que la seconde épouse a effectivement droit aux effets putatifs du mariage vu sa bonne foi, de sorte qu’elle a droit au partage du patrimoine familial, à l’exclusion des droits reliés à la Loi sur le régime de rentes du Québec, qui doivent être conférés à la première épouse, celle-ci se voyant reconnaître le statut de conjoint survivant.

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