L’imposition du bulletin de paie électronique par l’employeur n’a pas fini de faire l’objet de questionnements si l’on en croit les conclusions exprimées par deux arbitres de griefs, Me Louise Viau et Me Francine Beaulieu, dans deux affaires décidées récemment.

En effet, alors que l’arbitre Viau, dans sa décision, a rejeté le grief du syndicat réclamant que l’employeur continue à remettre le bulletin sur support papier aux employés, l’arbitre Beaulieu, dans une décision rendue ultérieurement, a ordonné à l’employeur de respecter le choix des enseignants de recevoir leur bulletin de paie sur support papier plutôt que par voie électronique.

Pourtant, les faits sont similaires, à l’exception de la présence d’une clause portant sur la «remise» du bulletin de paie contenue dans la convention collective relative à la seconde affaire.

Il s’agissait, dans les deux cas, de déterminer si l’employeur avait satisfait à son obligation de «remettre un bulletin de paie» au sens de l’article 46 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) en le déposant sur un site Internet sécurisé auquel le salarié avait accès au moyen d’un mot de passe. Certains postes de travail étaient également mis à la disposition des salariés désirant le consulter ou l’imprimer au travail.

Dans la première affaire, l’arbitre Viau a conclu que l’employeur, en fournissant un bulletin électronique, avait satisfait à son obligation de «remettre» le bulletin de paie au sens de l’article 46 L.N.T. et non pas seulement à celle de le «rendre accessible». En effet, cet article doit être lu en corrélation avec l’article 2 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information, qui prévoit l’équivalence juridique du document électronique par rapport au document sur support papier (Union des routiers, brasseries, liqueurs douces et ouvriers de diverses industries, section locale 1999 et L’Oréal Canada inc.  (grief syndical) (T.A., 2012-02-06), SOQUIJ AZ-50832524).

Dans la seconde affaire, la disposition de la convention collective que devait interpréter l’arbitre Beaulieu prévoyait que le salarié devait «recevoir» un bulletin de paie. Selon l’arbitre, un courriel indiquant au salarié que la copie de son bulletin de paie est disponible sur un site Internet ne peut être assimilé à «recevoir son bulletin de paie» au sens de la convention. «Recevoir» doit être interprété comme le fait d’«être mis en possession» de ce dernier (Syndicat de l’enseignement de la région de la Mitis et Commission scolaire des Monts-et-Marées (T.A., 2012-01-31), SOQUIJ AZ-50833548).

Et, se prononçant sur l’interprétation à donner à l’article 46 L.N.T., elle a déclaré qu’elle partageait celle de la Commission des normes du travail selon laquelle il ne s’agit pas seulement de «rendre ce bulletin accessible».

Deux décisions intéressantes où les arbitres s’entendent sur ceci : l’obligation de l’employeur en vertu de l’article 46 L.NT. va au-delà de celle de «rendre le bulletin accessible». Toutefois, en présence de faits similaires, elles concluent de façon différente.

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