Un expert pour qui, pour quoi?

Récemment, deux décisions étroitement liées au rôle du témoin expert d’un syndic ont été rendues par le Tribunal des professions. L’une d’elles porte sur le droit qu’a ou non un syndic de déposer en preuve un guide d’exercice sans l’aide d’un expert et la seconde s’intéresse à la confidentialité des entretiens entre un syndic et son expert, plus précisément sur le droit de contre-interroger ce dernier sur ceux-ci.

Objection à la preuve contre le syndic du Collège des médecins du Québec

Le Tribunal des professions a infirmé une décision interlocutoire du Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec ayant accueilli, un an plus tôt, une objection à ce que le syndic adjoint mette en preuve un guide d’exercice intitulé «La tenue des dossiers par le médecin en centre hospitalier de soins généraux et spécialisés». Le Tribunal a conclu que le Conseil avait erré en exigeant que cette preuve soit produite par un témoin expert après avoir retenu que ce guide d’exercice – un vade-mecum conçu par les pairs et adopté par le Collège en vue d’une distribution à ses membres – constituait davantage un outil de référence qu’un code de conduite imposant une règle d’obéissance. Estimant que le guide d’exercice n’est qu’un document de référence et qu’y déroger n’équivaut pas d’emblée à une faute déontologique, il a fait une analogie avec la production d’un protocole hospitalier dans un litige civil qui est possible sans la présence d’un témoin expert, pour finalement autoriser le syndic adjoint à produire en preuve ledit guide d’exercice.

Objection à la preuve soulevée par le syndic de l’Ordre professionnel des psychologues du Québec

 Par ailleurs, le syndic de l’Ordre professionnel des psychologues du Québec s’est vu accorder la permission d’appeler d’une décision interlocutoire ayant rejeté son objection à la preuve après qu’il eut invoqué la confidentialité de ses entretiens avec son expert. Selon le Tribunal, il y a un intérêt à autoriser le débat en appel, car il soulève la nature des relations entre un syndic et un expert ainsi que les droits et obligations qui en découlent, il évoque des distinctions possibles quant aux obligations d’un «syndic-enquêteur» et celles d’un «syndic-plaignant», et les positions des parties renvoient à la mise en œuvre de droits fondamentaux – le respect de la confidentialité et le droit à un contre-interrogatoire le plus large possible au nom d’une défense pleine et entière – alors que l’équilibre entre ces droits demeure précaire. Enfin, même si, lorsqu’une objection à la preuve est accueillie, on reconnaît plus aisément le caractère irrémédiable de la décision et qu’il en va autrement lorsque l’objection à la preuve est rejetée, une nuance importante s’impose puisque le débat soulève une question de confidentialité au sujet des entretiens entre le syndic et son expert. À cet égard, le Tribunal a souligné que : «S’il fallait, sans pour autant en décider à ce stade, que cette objection soit fondée, le caractère confidentiel des échanges intervenus serait complètement vidé de son sens puisque le rejet de l’objection permettrait la divulgation de communications protégées.»

Bien que nous ne soyons qu’à l’étape de la permission d’appeler, il semble que le débat à venir sera des plus intéressants!

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