Vous vous rappelez l’alerte à la listeria qui a entraîné des décès et de lourdes pertes pour cette entreprise? Eh bien, aux grands maux les grands remèdes!

Maple Leaf a décidé d’installer des caméras de surveillance dans les aires de transformation de la viande, soit à l’endroit même des chaînes de production, ainsi qu’à l’emballage des produits. Cette politique s’intégrait dans un contexte de resserrement des règles sanitaires afin de prévenir une contamination ou de pouvoir rapidement en constater la cause, le cas échéant.

Le principe général veut que l’employeur ne puisse systématiquement filmer ses salariés pendant qu’ils exécutent leurs fonctions d’une façon constante sans qu’il existe un motif valable. Or, on aurait pu s’attendre à ce que l’installation de telles caméras chez Maple Leaf soit déclarée illégale parce qu’elles sont dirigées vers des postes de travail en permanence. Tel n’a pas été le cas!

Salarié épié, stressé de commettre une erreur, ambiance de travail mauvaise… Dans sa décision (Syndicat des travailleuses et travailleurs de Charcuterie Roy (CSN) et Aliments de consommation Maple Leaf inc. (griefs syndicaux), (T.A., 2012-01-06), SOQUIJ AZ-50833535.), l’arbitre de griefs Nicolas Cliche n’a pas retenu les prétentions du syndicat. En matière de sécurité alimentaire, la caméra de surveillance a sa place!

L’arbitre s’est d’abord dit d’avis qu’un employé en industrie ne peut s’attendre à ce que sa vie privée soit totalement protégée alors qu’il travaille sous la surveillance de contremaîtres. Il a reconnu la légalité de ces caméras, considérant que la présence de celles-ci ne contrevenait pas au droit des salariés à des conditions de travail justes et raisonnables prévu à l’article 46 de la Charte des droits et libertés de la personne. Il a fait grand état du fait qu’une nouvelle contamination serait catastrophique pour la survie de l’entreprise.

Il faut dire ici que l’employeur respectait certaines balises. Les voici :

  •  les caméras étaient visibles et immobiles, n’avaient aucun zoom, ne captaient aucun son et étaient activées lorsqu’il y avait un mouvement dans une pièce;
  • les images étaient retransmises sur un moniteur situé dans un meuble verrouillé dont l’accès n’est accordé qu’à une seule personne;
  • aucun représentant de l’employeur ne visionnait de façon régulière ces images, celles-ci ayant été visionnées seulement à quatre reprises à l’occasion de tests qui se sont avérés positifs;
  • ces images ont été utiles; et
  • les bandes vidéo n’étaient pas utilisées à des fins disciplinaires ou pour vérifier la cadence de travail des salariés.

Il est à noter qu’aucune décision n’avait été rendue à ce jour au Québec en matière de sécurité alimentaire. L’arbitre Cliche s’est inspiré d’une décision ontarienne, l’affaire Cargill Foods and United Food and Commercial Workers International Union, Local 633 (2008), 175 L.A.C. (4th) 213, favorable à l’installation de telles caméras de surveillance. Pour les intéressés, l’arbitre cite en abondance de longs extraits de celle-ci.

Enfin, dans un contexte d’industrialisation du secteur de l’alimentation ou même du secteur relié à la santé et à la sécurité du public, il est à parier que certaines entreprises seront tentées de suivre l’exemple de Maple Leaf. Avis aux directeurs de qualité des produits…

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