La semaine dernière, la Cour d’appel a rendu trois jugements portant sur la perception de frais lors de l’utilisation d’une carte de crédit pour effectuer des paiements en monnaies étrangères (frais de conversion) : Amex Bank of Canada c. Adams, Fédération des caisses Desjardins du Québec c. Marcotte et Banque de Montréal c. Marcotte.

En première instance, la Cour supérieure avait accueilli en partie les recours collectifs intentés contre des banques canadiennes et la Fédération des caisses Desjardins du Québec au motif que les frais de conversion facturés aux détenteurs de carte de crédit pour des achats en devises étrangères constituent des frais de crédit qui auraient dû être divulgués conformément aux dispositions impératives de la Loi sur la protection du consommateur. Les banques avaient donc été condamnées à rembourser aux consommateurs les frais de crédit illégalement perçus, en plus de devoir payer une indemnité à titre de dommages exemplaires.

Plusieurs questions ont été soulevées en appel, notamment l’intérêt juridique des représentants, l’applicabilité de la Loi sur la protection du consommateur en matière de cartes de crédit eu égard à la doctrine de l’exclusivité des compétences et de la prépondérance des lois fédérales sur la loi provinciale ainsi que la définition de «frais de crédit» au sens de la loi.

La Cour d’appel a d’abord estimé qu’il n’est pas nécessaire, lorsqu’un recours collectif est dirigé contre plusieurs défendeurs, que le représentant ait une cause d’action personnelle contre chacun d’entre eux. Selon elle, il suffit qu’il existe un sous-groupe réel de membres pour chacun des défendeurs. La Cour a donc adopté une approche souple dans l’application de l’arrêt Bouchard c. Agropur Coopérative.

En ce qui concerne l’argument constitutionnel invoqué par les banques, la Cour a conclu, dans Banque de Montréal c. Marcotte, que la délivrance d’une carte de crédit par une banque ne relève pas exclusivement de la compétence fédérale prévue à l’article 91(15) de la Loi constitutionnelle de 1867 et que les dispositions de la Loi sur la protection du consommateur concernant l’obligation de divulgation des frais et des taux de crédit n’étaient pas incompatibles avec la législation fédérale. Toutefois, elle a déclaré que les dispositions en matière de plaintes doivent être déclarées inapplicables aux institutions financières de compétence fédérale, et ce, en raison de la prépondérance fédérale. En effet, celles-ci entrent en conflit avec le régime mis en place en vertu de la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada :

[109]  En réalité, pour éviter un conflit d’objectifs et rendre l’encadrement fédéral efficace et cohérent, les dispositions de la LPC en matière de plaintes doivent être déclarées inopérantes aux institutions financières régies par le Parlement, et ce, en raison de la prépondérance fédérale.

[110]  Il demeure que les recours civils des consommateurs, faute de dispositions particulières dans le régime fédéral, comme le souligne le juge de première instance, continuent d’être régis par le droit provincial, dont la LPC et le Code civil du Québec.

[111]  En somme, nous sommes actuellement en présence d’un régime fédéral incomplet qui n’exclut pas l’application de la LPC dans les situations appropriées.

Enfin, dans Fédération des caisses Desjardins du Québec c. Marcotte, la Cour a conclu que les frais de conversion facturés aux détenteurs de cartes de crédit pour des achats ne constituent pas des frais de crédit au sens des articles 67 et ss. de la Loi sur la protection du consommateur. Selon elle, ces frais ne sont pas exigés pour avoir accès au crédit ou garantir son remboursement et constituent plutôt des frais associés à l’utilisation d’un service de conversion accessoire offert aux détenteurs de cartes de crédit. Cependant, comme tous les frais facturés, ils doivent être raisonnables et dénoncés de façon précise aux consommateurs conformément aux articles 8 et 12 de la loi. C’est d’ailleurs ce qu’a appris la Banque Amex du Canada, qui n’avait pas divulgué les frais de conversion à ses clients entre 1993 et 2003 et dont la condamnation à rembourser plus de 13 millions de dollars a été confirmée par la Cour d’appel…

NDLR

Le 19 septembre 2014, la Cour suprême du Canada s’est prononcée dans ces trois dossiers. Voir :

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