En cette chaude fin d’été où, par les fenêtres ouvertes, j’entends toute la vie de mon quartier, je ne peux m’empêcher d’avoir une bonne pensée pour Me Adrian Popovici, qui écrivit un jour un fabuleux article sur les troubles de voisinage.

En effet, je suis toujours restée marquée par «La poule et l’homme : sur l’article 976 C.c.Q.» ([1997] Revue du Notariat 214-254), qui m’a fait le plus grand bien lors de sa lecture même si son sérieux ne saurait être remis en doute (il a été cité jusqu’en Cour suprême du Canada).

Vous ne me croyez pas? Citations choisies!

Le professeur de l’Université de Montréal cite d’abord un arrêt de la Cour d’appel française:

«Attendu que la poule est un animal anodin et stupide, au point que nul n’est encore parvenu à le dresser, pas même un cirque chinois; que son voisinage comporte beaucoup de silence, quelques tendres gloussements, et des caquètements qui vont du joyeux (ponte d’un œuf) au serein (dégustation d’un ver de terre) en passant par l’affolé (vue d’un renard); que ce paisible voisinage n’a jamais incommodé que ceux qui, pour d’autres motifs, nourrissent du courroux à l’égard des propriétaires de ces gallinacés; que la cour ne jugera pas que le bateau importune le marin, la farine le boulanger, le violon le chef d’orchestre, et la poule un habitant du lieu-dit La Rochette, village de Salledes (402 âmes) dans le département du Puy-de-Dôme.»

Il enchaîne:

 «Il est certain que l’état de voisinage est un potentiel nid à chicanes. Notre droit à l’instar du droit français, qui a pondu le concept de troubles anormaux du voisinage, connaît maintenant de façon officielle le devoir d’accepter les inconvénients normaux du voisinage : article 976, déjà couvé par une abondante jurisprudence, initiée par nos juges les plus huppés.» […]

«La jurisprudence a affirmé à plusieurs reprises qu’il s’agissait là d’une responsabilité sans faute, de la Cour d’appel, aux plus basses cours.» […]

«Le nouvel article 976 […] est destiné à susciter des prises de bec polies entre auteurs.» […]

«Mais la théorie du risque a perdu plus que des plumes» […]

«Justement les poules ne sont-elles pas des animaux, bêtes de surcroît ?» […]

«[…] la victime des gallinacés pourrait aussi invoquer en sa faveur l’article 1465 : la poule est juridiquement une chose, c’est à dire un “bien”. C’est son fait autonome qui cause le préjudice au voisin aviphobe. L’aviculteur, même amateur, devra donc réparer le préjudice causé par ses fort dynamiques poules, à moins qu’il prouve n’avoir commis aucune faute […] Si l’on ne peut mettre de couches aux abeilles, peut-on en mettre aux poules et rabattre leur caquet au moyen de mini-muselières ?» […]

«Juridiquement l’homme est donc bien protégé contre la poule. Trop peut-être. Il resterait à invoquer la Constitution canadienne; mais les poules ne sont point des animaux migrateurs…» […]

«On nous permettra, pour illustrer notre pensée, de passer non pas du coq à l’âne, mais de la poule au chien, en soulignant la différence entre les trois situations suivantes :

    • le chien qui aboie;
    • le chien qui aboie souvent;
    • le chien qui mord (les poules n’ayant pas encore de dents).» […]

«L’interprète se doit d’abord d’être prudent et de ne pas perdre pied (de poule : pfui!).»

«On comprend les désarrois de l’interprète [de l’article 976] face aux superfétations de la codification : une poule n’y retrouverait pas ses poussins. Est-ce le justiciable qui deviendra le dindon de la farce ?»

Quoi, vous n’avez pas gloussé de rire? En tout cas, ça vous aura au moins fait sourire.

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