Chaque année, à l’approche de la saison froide, des milliers de voyageurs s’envolent vers des destinations soleil pour y retrouver un peu de chaleur. Pour la majorité d’entre eux, le voyage en avion se déroule sans anicroche mais, malheureusement, certains en reviennent avec de moins bons souvenirs: vol retardé, correspondance manquée, retard dans le transport des bagages ou altercation avec un autre passager. Voici donc quelques mésaventures tirées de la jurisprudence récente en matière de transport aérien.

Tout d’abord, comme l’ont appris les demandeurs dans Carter c. Air Canada, l’action en responsabilité contre un transporteur aérien doit être intentée dans le délai de deux ans prévu à l’article 35 de la Convention de Montréal, lequel n’est pas un délai de prescription, mais bien un délai de déchéance.

En cas de retard, quelle est la responsabilité du transporteur aérien?

Conformément à l’article 19 de la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international (aussi appelée Convention de Montréal), le transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises. Toutefois, il peut s’exonérer de sa responsabilité en prouvant que lui, ses préposés et ses mandataires ont pris toutes les mesures raisonnables pour éviter le dommage ou qu’il leur était impossible de les prendre.

De plus, l’article 2034 du Code civil du Québec stipule que le transporteur ne peut exclure ou limiter sa responsabilité que dans la mesure et aux conditions prévues par la loi et qu’il est tenu de réparer le préjudice résultant du retard, à moins qu’il prouve la force majeure.

Puisque les transporteurs aériens ont l’obligation de maintenir leurs appareils en bon état, les bris mécaniques ne peuvent être considérés comme un cas de force majeure, lequel est un événement imprévisible et irrésistible (Mohammad c. Air Canada et Leduc c. Air Labrador).

De plus, comme le rappelait la Cour dans Voisine c. Voyages Jean-Pierre inc. les compagnies aériennes, qui ont connaissance des statistiques concernant la fréquence et la durée des retards, doivent prévoir un délai suffisant entre les vols de correspondance.

Dans Elharradji c. Compagnie nationale Royal Air Maroc, le client d’un transporteur aérien qui est arrivé à destination à une heure tardive en raison d’un retard de vol causé par une grève des pilotes et qui, de ce fait, a dû passer la nuit à l’aéroport dans l’attente d’un autocar pour rentrer chez lui, a eu droit à des dommages-intérêts de 1 000 $.

Par ailleurs, tel qu’il est mentionné dans Mercier c. Agence de voyages Sears, la jurisprudence est partagée quant à la possibilité d’obtenir une indemnité pour les troubles, ennuis et inconvénients subis en raison d’un retard dans le transport aérien ou la livraison de bagages (voir aussi Bensimon c. Agence de voyages Travelocity.ca). Toutefois, dans un jugement ayant autorisé un recours collectif intenté contre Air Algérie par des passagers dont le vol avait été retardé de 15 heures (Yalaoui c. Air Algérie), la Cour supérieure a conclu que l’article 19 de la Convention de Montréal, qui traite expressément du dommage résultant d’un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises, ne ferme pas la porte à l’attribution d’une indemnité à titre de dommage moral. Ainsi, dans Mercier, le juge a conclu que, conformément aux objectifs énoncés dans le préambule de la Convention de Montréal, la demanderesse avait droit à une indemnité de 300 $ pour les inconvénients subis en raison du retard dans la livraison de sa valise.

Il est également à noter qu’un transporteur aérien commet une faute et abuse de ses droits s’il refuse l’embarquement de passagers arrivés avec deux ou trois minutes de retard au comptoir d’enregistrement, alors qu’il venait tout juste de procéder à l’enregistrement d’autres passagers (Vadeboncoeur c. Transat Tours Canada inc.).

Passagers turbulents

Dans Picard c. Air Transat, le juge a retenu que les demandeurs avaient enfreint les règles de sécurité en ayant un comportement inadéquat à l’occasion d’une altercation avec un autre passager. Toutefois, il a conclu qu’Air Transat devait supporter une part de responsabilité (25 %). En effet, en cas d’altercation entre deux voyageurs ou en présence de passagers turbulents, le personnel d’une compagnie aérienne doit accomplir des gestes concrets pour tenter de trouver une solution. Comme le rappelait la juge dans Lahaise c. Transat Tours Canada inc., le transporteur n’est pas responsable de la mauvaise éducation des gens qu’il transporte, mais il doit intervenir lorsqu’un passager en état d’ébriété exagère, hausse le ton et insulte les autres passagers.

Comme quoi les turbulences ne sont pas toujours atmosphériques!

Références des décisions citées :

  • Carter c. Air Canada (C.Q., 2012-03-26), 2012 QCCQ 2587, SOQUIJ AZ-50846155, 2012EXP-1615, J.E. 2012-859
  • Mohammad c. Air Canada (C.Q., 2010-06-02), 2010 QCCQ 6858, SOQUIJ AZ-50663703, 2010EXP-3030
  • Leduc c. Air Labrador (C.Q., 2009-10-02), 2009 QCCQ 9560, SOQUIJ AZ-50578334, B.E. 2009BE-926
  • Voisine c. Voyages Jean-Pierre inc. (C.Q., 2009-01-20), 2009 QCCQ 793, SOQUIJ AZ-50536298, B.E. 2009BE-310, [2009] R.L. 8
  • Elharradji c. Compagnie nationale Royal Air Maroc (C.Q., 2012-01-10), 2012 QCCQ 11, SOQUIJ AZ-50819124, 2012EXP-532, J.E. 2012-286
  • Mercier c. Agence de voyages Sears (2012 QCCQ 7879)
  • Bensimon c. Agence de voyages Travelocity.ca (C.Q., 2008-12-18), 2008 QCCQ 12778, SOQUIJ AZ-50532920, J.E. 2009-426
  • Yalaoui c. Air Algérie (C.S., 2012-04-05 (jugement rectifié le 2012-04-23)), 2012 QCCS 1393, SOQUIJ AZ-50845514, 2012EXP-1705, J.E. 2012-909, [2012] R.J.Q. 769
  • Vadeboncoeur c. Transat Tours Canada inc. (C.Q., 2011-12-20), 2011 QCCQ 16045, SOQUIJ AZ-50823403, 2012EXP-630, J.E. 2012-342
  • Picard c. Air Transat (C.Q., 2012-01-19), 2012 QCCQ 634, SOQUIJ AZ-50828186, 2012EXP-848
  • Lahaise c. Transat Tours Canada inc. (C.Q., 2010-06-09), 2010 QCCQ 4853, SOQUIJ AZ-50646562, 2010EXP-2579
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