Dans un arrêt unanime du 8 novembre dernier, la Cour suprême a déclaré nul le brevet 2 163 446 que détenait Pfizer relativement à l’utilisation d’un «composé de la formule (I) » ou d’un «sel de composé» comme médicament pour le traitement de la dysfonction érectile, soit le Viagra. Forte de cet arrêt de la Cour suprême, l’appelante dans ce dossier, Teva Canada Limitée (autrefois connue sous le nom de Novopharm Limitée) annonce déjà sur son site un substitut générique du Viagra, le Novo-Sildenafil (http://www.tevacanada.com). Or, c’est en raison de son omission de divulguer que le sildénafil était le composé efficace et en optant pour une formulation qui ne décrit pas clairement l’invention que son brevet a été annulé.

La Cour suprême rappelle que «[l]e régime des brevets a pour assise un ‘’marché’’ de nature synallagmatique (quid pro quo) où l’inventeur obtient, pour une période déterminée, un monopole sur une invention nouvelle et utile en contrepartie de la divulgation de l’invention de façon à en faire bénéficier la société.» Par conséquent, «la divulgation suffisante de l’invention dans le mémoire descriptif est une condition préalable à la délivrance du brevet». Le brevet délivré en 1998 devait procurer à Pfizer un monopole sur son invention jusqu’en 2014.

Le mémoire descriptif du brevet se termine par sept revendications en cascade, la revendication no 1 correspondant à plus de 260 trillions de composés, les revendications nos 2 à 5 se rapportant à des nombres de composés de moins en moins importants et les revendications nos 6 et 7 ne visant chacune qu’un composé. Pfizer avait effectué des essais qui démontraient l’efficacité du sildéfanil, visé par la revendication no 7, dans le traitement de la dysfonction érectile. Même si le brevet contient une déclaration selon laquelle «un des composés particulièrement privilégiés cause une érection pénienne chez les hommes impuissants», le mémoire descriptif ne précise pas que le sildéfanil est le composé efficace, ni que le composé efficace est celui visé par la revendication no 7, ni que les autres composés se sont révélés inefficaces pour le traitement de la dysfonction érectile. Selon la Cour suprême, «même si un lecteur versé dans l’art aurait pu déduire que le composé efficace correspondait aux revendications 6 et 7, il lui aurait fallu effectuer d’autres essais pour déterminer lequel des deux était véritablement indiqué pour le traitement de [la dysfonction érectile].»

Par conséquent, la Cour suprême a estimé qu’il y avait eu atteinte au droit du public à une divulgation suffisante puisque deux composés individuels avaient été revendiqués en dernier lieu, ce qui a eu pour effet de brouiller l’identité véritable de l’invention. Selon elle, Pfizer a obtenu l’avantage du monopole prévu par la Loi sur les brevets sans s’acquitter de son obligation de divulgation prévue à son paragraphe 27 (3). Elle est sévère à l’endroit de Pfizer et déclare : «On ne saurait ni au plan des principes ni sous l’angle de la juste interprétation des lois permettre au breveté de se ‘’jouer’’ainsi du régime légal», avant de conclure que la réparation appropriée consiste à annuler le brevet.

Référence

Teva Canada Ltée c. Pfizer Canada inc. (C.S. Can., 2012-11-08), 2012 CSC 60, SOQUIJ AZ-50910121 

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