Le 8 janvier dernier, le juge Michael L. Phelan, de la Cour fédérale, a rendu un jugement fort attendu de plus de 200 pages dans une demande de jugement déclaratoire intentée en 1999 par Harry Daniels, maintenant décédé, un défenseur reconnu des droits des Métis, le Congrès des Peuples autochtones, Leah Gardner, une Indienne non inscrite de l’Ontario et Terry Joudrey, un Indien Micmac non inscrit originaire de la Nouvelle-Écosse. La principale question en litige était de savoir si le gouvernement fédéral a compétence pour promulguer des lois à l’égard des Métis et des Indiens non inscrits en vertu de sa compétence sur les «Indiens et terres réservées pour les Indiens» prévue au paragraphe 91 (24) de la Loi constitutionnelle de 1867.Selon les demandeurs, les circonstances ayant donné naissance au litige étaient bien décrites dans un mémoire au Cabinet présenté par le secrétaire d’État le 6 juillet 1972 : « Les Métis et les Indiens non inscrits, qui n’ont même pas la protection du ministère des Affaires étrangères et du Nord canadien, sont beaucoup plus exposés à la discrimination et aux autres troubles sociaux. Il est exact d’affirmer que l’absence d’une initiative fédérale dans ce domaine fait en sorte qu’ils sont plus désavantagés que tous les citoyens.» (paragr. 84 du jugement).

Le juge Phelan estime que, pour déterminer la portée du terme «Indiens», il faut appliquer l’approche téléologique. Selon lui, l’argument des défendeurs, selon lequel le paragraphe 91 (24) avait pour but de conférer au gouvernement fédéral le pouvoir de protéger les Indiens et leurs terres parce que ceux-ci étaient considérés comme un peuple non civilisé, fait abstraction des objectifs bien plus larges et plus acceptables de la compétence en question. Ces objectifs comprennent l’acceptation des responsabilités de la Couronne à l’égard des Autochtones découlant de la Proclamation royale de 1763, la nécessité d’adopter une approche concertée à l’égard des Autochtones, en opposition au morcellement qui avait cours dans les régimes coloniaux, ainsi que la nécessité de composer avec la colonisation rapide et forcée vers l’Ouest.

Le juge conclut que, compte tenu de l’approche téléologique et du Renvoi sur les Esquimaux (British North America Act, 1867, Includes Eskimo Inhabitants of Quebec (Reference re as to Whether « Indians » in s. 91 (24) of the), (C.S. Can., 1939-04-05), [1939] R.C.S. 104), l’un des objectifs de la compétence sur les Indiens était l’intention d’avoir le contrôle sur tous les gens d’ascendance autochtone dans les nouveaux territoires du Canada. Dans un tel contexte, les Métis et les Indiens non inscrits sont inclus dans la portée du paragraphe 91 (24).

Le Congrès des peuples autochtones se réjouit de cette décision : « C’est une étape historique qui met fin au déni des droits issus de traités et des droits ancestraux des Autochtones qui perdure depuis très longtemps à l’endroit des Métis et des Indiens non inscrits », se réjouit Betty Ann Lavallée CD (retraitée), cheffe nationale du Congrès des peuples autochtones. « Les Métis et les Indiens non inscrits ont toujours fait face aux mêmes enjeux que les autres Autochtones du Canada. Grâce à ce jugement, nous comptons amorcer des pourparlers constructifs et pratiques avec le gouvernement fédéral en vue de renforcer l’estime de soi, la dignité, la fierté et le potentiel humain des Métis et des Indiens non inscrits hors réserve. »

(Communiqué de presse)

Référence

Daniels c. Canada (C.F., 2013-01-08), 2013 CF 6, SOQUIJ AZ-50925214

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