Aline est divorcée et elle a la garde complète des trois enfants qui sont nés pendant son mariage. Ses revenus s’élèvent à environ 27 000 $, tandis que ceux de son ex-conjoint varient entre 1,2 et 1,9 million de dollars. Par application du Règlement sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants (lignes directrices québécoises), elle recevrait pour ses enfants une pension alimentaire mensuelle de 8 100 $. Or, si les Lignes directrices fédérales en matière de pension alimentaire pour enfants (lignes directrices fédérales) étaient applicables, elle recevrait environ 20 000 $ par mois.

Une différence appréciable, n’est-ce pas? Telle était l’opinion d’Aline et de cinq autres mères qui se trouvaient dans des situations semblables et qui ont constaté que, si les lignes directrices fédérales s’appliquaient à leur cas, elles recevraient une pension pour leurs enfants qui serait supérieure à ce qu’elles recevaient en vertu des lignes directrices québécoises. Étant arrivées à cette conclusion, elles ont présenté une requête en vue de faire déclarer les lignes directrices québécoises discriminatoires.

La juge de première instance a conclu que les lignes directrices québécoises créaient une distinction entre les mères monoparentales divorcées ou en instance de divorce au Québec et celles vivant une situation similaire dans les autres provinces canadiennes. Elle a ensuite déclaré que cette distinction, fondée sur la province de résidence constituait, dans ce contexte, un motif analogue en vertu du paragraphe 15 (1) de la Charte canadienne des droits et libertés, puis a conclu que les lignes directrices québécoises étaient discriminatoires. Elle a toutefois décidé qu’il n’y avait pas lieu d’invalider le Décret désignant la province de Québec pour l’application de la définition de « lignes directrices applicables » au paragraphe 2(1) de la Loi sur le divorce, lequel incorpore les lignes directrices québécoises dans la législation fédérale, car il se justifiait dans une société libre et démocratique aux termes de l’article 1 de la charte.

La Cour d’appel, dans une décision que vous pouvez consulter dans sa version française ou anglaise, a conclu que les lignes directrices québécoises ne sont pas discriminatoires. Pour elle, le lieu ou la province de résidence ne constituent pas des motifs analogues. D’une part, pour ce qui est du lieu de résidence, il ne s’agit pas d’une caractéristique personnelle qui est soit immuable, soit modifiable uniquement à un prix inacceptable du point de vue de l’identité personnelle comme le sont la race, l’origine ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou encore les déficiences mentales ou physiques, soit les motifs énumérés au paragraphe 15 (1) de la charte. D’autre part, pour ce qui est de la province de résidence, la Cour d’appel a retenu que le Québec avait choisi de retenir sa propre solution en matière de pensions alimentaires pour enfants, ce qu’il avait le pouvoir de faire, et qu’on ne pouvait lui reprocher de ne pas avoir opté pour l’application des lignes directrices fédérales, comme d’autres provinces l’avaient fait.

Selon La Presse, les appelantes ont l’intention de soumettre la cause à la Cour suprême du Canada.

Références

Droit de la famille — 111526 (C.S., 2011-05-26), 2011 QCCS 2662, SOQUIJ AZ-50757362, 2011EXP-1817, J.E. 2011-1006, [2011] R.J.Q. 907

Droit de la famille — 139 (C.A., 2013-01-11), 2013 QCCA 15, SOQUIJ AZ-50925569

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