Le Cégep de Sherbrooke a mandaté une avocate afin de diriger un comité chargé d’enquêter au sujet de la conduite d’un enseignant en application de la «Politique visant à contrer le harcèlement psychologique en milieu de travail». Le rapport du comité d’enquête a conclu que l’enseignant avait harcelé psychologiquement quatre collègues. À la suite de son congédiement, l’enseignant a intenté un recours en dommages-intérêts contre l’avocate. Il lui reprochait de ne pas avoir respecté les règles de l’équité procédurale lors de son enquête, lui ayant ainsi causé un préjudice financier et moral.

La Cour du Québec vient de rendre son jugement dans cette affaire. Le juge Claude Laporte a d’abord conclu que l’enquêteuse était tenue de respecter les règles de l’équité procédurale. Il a ensuite relevé les manquements suivants :

  • le départ d’un membre du comité d’enquête et son remplacement au pied levé par une autre personne;
  • la remise à l’enseignant d’une copie tronquée des plaintes formulées à son endroit, sous prétexte qu’elles contenaient des informations confidentielles;
  • l’omission de lui fournir un exemplaire de la politique;
  • l’omission de lui transmettre la version des faits des témoins;
  • la remise d’un rapport d’enquête nettement déficient en ce qu’il ne contient aucune analyse des éléments de preuve recueillis contre l’enseignant auprès des salariés s’étant plaints de sa conduite.

Le juge écrit : «Les règles de l’équité procédurale ne sont pas que de simples règles de procédure puisqu’elles se rattachent directement au fond. […] Si la procédure est la « servante » du droit, en matière d’équité procédurale, elle en constitue une assise fondamentale. Ces règles sont à ce point importantes que leur violation peut entraîner une déclaration d’illégalité.» Il constate que l’enquêteuse a failli à sa tâche et qu’elle doit répondre de ses fautes.

Par ailleurs, le juge conclut que l’enseignant n’a pas démontré qu’il n’aurait pas été congédié si cette dernière n’avait pas commis ces fautes. Il retient qu’aucune preuve n’avait été présentée afin de contrer les allégations de harcèlement formulées par les plaignants, que ce soit devant le comité ou à l’audience.

À son avis, les actions fautives de l’enquêteuse ont toutefois causé du stress et de l’anxiété à l’enseignant. Celui-ci s’est senti diminué en raison du sentiment d’injustice qu’il a éprouvé durant tout le processus. Une somme de 3 000 $ lui est donc accordée afin de compenser son préjudice moral. Par contre, comme les violations n’ont pas été commises de mauvaise foi ni dans l’intention de lui nuire, le juge ne lui accorde aucune indemnité à titre de dommage exemplaire.

Référence

  • Zinga Ditomene c. Boulanger (C.Q., 2013-02-08), 2013 QCCQ 842, SOQUIJ AZ-50936758

Note de la rédaction

Le 17 novembre 2014, la Cour d’appel a infirmé le jugement de la Cour du Québec. Elle a conclu que l’enquêteuse avait agi de manière raisonnable dans l’exécution de son mandat (Ditomene c. Boulanger (C.A., 2014-11-17), 2014 QCCA 2108, SOQUIJ AZ-51126144).

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