Je suis un peu en retard, mais je ne peux quand même pas passer sous silence le jugement rendu par la Cour du Québec le 14 février dernier dans l’affaire Hydro-Québec c. Leclerc.

Un bref rappel des faits, pour ceux d’entre vous qui n’auraient pas lu ou entendu le compte rendu dans les médias : Leclerc, un journaliste et recherchiste travaillant pour le quotidien La Presse, a fait des demandes d’accès afin d’obtenir des documents d‘Hydro-Québec. Ayant essuyé un refus, il a déposé une demande de révision à la Commission d‘accès à l’information (CAI). Hydro-Québec a alors présenté une requête en irrecevabilité, soutenant que la demande provenait en réalité de l’employeur de Leclerc, La Presse, et que, dans un tel cas, seul un avocat pouvait présenter une demande de ce type en application de l’article 128 de la Loi sur le Barreau. La CAI a rejeté la requête d’Hydro-Québec.

Devant la Cour du Québec, tous étaient d’accord sur le fait que Leclerc avait agi dans l’exécution de ses fonctions au sein de La Presse. Dans un rare front commun, les médias ont pris position pour soutenir qu’un journaliste pouvait agir seul, sans l’intervention d’un avocat. 

Le jugement de la  Cour du Québec repose finalement sur un principe de base: l’intérêt pour agir. Selon l’article 9 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et la protection des renseignements personnels, «Toute personne qui en fait la demande a droit d’accès aux documents d’un organisme public», donc toute personne possède un intérêt pour agir.

La Cour du Québec souligne que : «Ce qui fait l’objet de la loi, c’est l’accès à des renseignements et des informations détenus par un organisme public, ce n’est pas l’identité du demandeur, ni ses motivations, ni ses objectifs. Ce qui doit faire l’objet du débat, c’est l’accessibilité du renseignement ou du document requis et son caractère public.»

Ainsi, Leclerc possédait l’intérêt requis. Dans sa demande, il n’a pas prétendu exercer le droit d’accès à l’information de son employeur ou agir en son nom. Selon la Cour du Québec, «la question devrait s’arrêter là».

La Cour poursuit en indiquant que, contrairement à ce que prétend le Barreau du Québec, il ne s’agit pas d’une «brèche» dans les champs de pratique réservés des avocats. La propriété des renseignements recueillis ou détenus en vertu d’une demande personnelle d’un journaliste dans l’exercice de ses fonctions auprès de son employeur ne regarde que ces deux parties. Lorsqu’une personne morale présente elle-même une demande, rien ne la dispense d’avoir recours à un avocat devant la CAI.

Il en résulte que la demande de révision devant la CAI était bien celle de Leclerc, qu’il ait agi dans l’exercice de ses fonctions ou non, et qu’il avait donc le droit d’agir sans être représenté par un avocat sans contrevenir à l’article 128 de la Loi sur le Barreau.

Cette question faisait depuis longtemps l’objet d’une controverse devant la CAI : j’ai résumé de nombreuses décisions sur le sujet. La Cour du Québec a donc tranché en faveur des médias.

Référence

Hydro-Québec c. Leclerc (C.Q., 2013-02-14), 2013 QCCQ 1020, AZ-50938051

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