À une époque où l’actualité regorge de situations reliées à la corruption, aux pots de vin, aux cadeaux, et j’en passe, le présent billet porte sur des avantages consentis aux médecins.

En première instance, les Drs Poulin et Perron, copropriétaires de cliniques médicales, reprochaient au Collège des médecins du Québec son inaction à l’égard des avantages consentis aux médecins par des chaînes de pharmacies en louant des locaux à des prix inférieurs à ceux du marché. Ils considéraient que ces avantages contrevenaient au Code de déontologie des médecins, car ils présentaient une apparence de conflit d’intérêts. Or, un médecin est en conflit d’intérêts lorsqu’il privilégie ses intérêts personnels au détriment de ceux de ses patients dans les actes qu’il accomplit et dans les conseils qu’il fournit à titre de professionnel. Selon le Collège, ce qui est interdit, c’est l’acceptation d’un avantage dont le résultat est la perte d’indépendance professionnelle

La juge de la Cour supérieure a conclu que cette position protège adéquatement le public et que les Drs Poulin et Perron n’avaient pas démontré qu’elle mettait en péril les trois critères de préservation de l’indépendance professionnelle, qui se résument à une absence de dirigisme, de prescriptions inappropriées et d’ingérence dans l’organisation du travail du médecin. La juge a également établi que le Collège n’a pas l’obligation d’agir pour prévenir l’apparence de conflit d’intérêts ou de mise en péril de l’indépendance professionnelle dans le contexte des ententes de location que concluent les médecins dans l’exercice de leur profession. Cette conclusion est basée sur l’absence de preuve que le fait d’accepter un loyer à un prix avantageux constitue une violation des dispositions du Code de déontologie des médecins, en l’absence de perte d’indépendance professionnelle. Enfin, il n’aurait pas été prouvé que le Collège a agi de mauvaise foi, avec imprudence ou incurie grave, ce qui justifierait la levée de l’immunité prévue à l’article 193 du Code des professions. Cette décision a été portée en appel.

Devant la Cour d’appel, il a été établi que les pharmaciens qui offraient des loyers à rabais poursuivaient un objectif commercial légitime à l’époque, soit une augmentation de la clientèle par la seule proximité des établissements. Cette pratique se distingue de celle d’offrir des cadeaux d’importance aux médecins, qui est prohibée. En outre, le Collège a privilégié une approche préventive axée sur l’éducation et l’information. Cette position était compatible avec les textes réglementaires en vigueur au moment des faits en litige. De plus, en 2000, le Collège a produit un rapport dans lequel il préconisait un changement d’approche eu égard aux conflits d’intérêts, lequel mettait davantage l’accent sur la protection de l’indépendance professionnelle, assurée en premier lieu par l’autodiscipline du médecin, que sur l’interdiction pure et simple des conflits d’intérêts. Ces recommandations ont conduit à l’adoption du nouveau Code de déontologie des médecins, entré en vigueur le 7 novembre 2002, qui consacre l’importance primordiale de l’indépendance professionnelle. Le Collège a également décidé d’écarter le critère de l’apparence de conflit d’intérêts, jugeant qu’une personne raisonnable pouvait se satisfaire de la preuve que l’indépendance professionnelle du médecin était préservée. Cette approche n’était ni déraisonnable ni empreinte de mauvaise foi. L’appel a donc été rejeté.

Il faut savoir que le Code de déontologie des médecins prohibe maintenant les loyers à rabais consentis aux médecins par les pharmaciens dans certaines conditions. Ainsi que le mentionnent les juges de la Cour d’appel, il est donc du devoir du Collège de mettre en œuvre les moyens adaptés pour freiner cette pratique et, le cas échéant, d’être en mesure d’apprécier le caractère juste et raisonnable d’un loyer, notamment en fonction des conditions socioéconomiques locales au moment où il est fixé.

Références

  • Poulin c. Collège des médecins du Québec (C.S., 2011-02-28), 2011 QCCS 813, SOQUIJ AZ-50726220, 2011EXP-1132, J.E. 2011-607, [2011] R.J.Q. 743
  • Poulin c. Collège des médecins du Québec (C.A., 2013-02-01), 2013 QCCA 187, SOQUIJ AZ-50933039, 2013EXP-601, J.E. 2013-320
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