Dans un billet précédent, je vous ai fait part de la jurisprudence récente en matière de responsabilité du transporteur aérien en cas de retards ou d’altercations entre passagers. Cette semaine, j’ai choisi pour vous quelques décisions où la responsabilité des agences et grossistes en voyages avait été retenue.

Rappelons d’abord que le contrat de services entre un client et une agence de voyages contient une obligation de résultat. Selon l’auteur Jean-Louis Baudouin, cité par la Cour d’appel dans Saraïlis c. Voyages Héritage J & A inc., ce contrat comporte cinq obligations principales : obligation d’information, obligation relative au choix des prestataires, obligation de conformité, obligation de sécurité et obligation d’assistance.

Les décisions présentées ci-dessous illustrent des cas où des voyageurs ont obtenu compensation, notamment en raison des modifications d’horaire ou d’itinéraire de vol, de la mauvaise qualité des services hôteliers ou des mauvais renseignements fournis. Comme vous le verrez, ce qui devait être un voyage de rêve peut parfois tourner au cauchemar…

Modification d’un horaire ou d’un itinéraire de vol

Dans une décision récente, une agence de voyages a été condamnée à payer des dommages-intérêts de 1 500 $ à des clients qui ont manqué leur avion. L’agence, qui savait que le vol avait été devancé, prétendait qu’elle n’avait pas été capable de les joindre. Or, le juge a conclu qu’elle n’aurait pas dû se contenter d’essayer de joindre les demandeurs par téléphone et par courriel et qu’elle aurait notamment dû utiliser la poste prioritaire. Dans Noreau c. Voyages Bergeron inc., une cliente a également obtenu le remboursement du billet d’avion qu’elle avait acheté, car l’agence de voyages lui avait transmis un courriel (à une ancienne adresse) pour l’aviser du devancement de l’heure du vol, et ce, en violation de sa propre politique selon laquelle les clients doivent être avisés d’un tel changement par téléphone plutôt que par courriel.

Une agence de voyages et un grossiste peuvent également être tenus responsables des dommages subis par leurs clients à la suite de l’ajout d’escales à un itinéraire de voyages, comme ce fut le cas dans Daoust c. Club voyages Dumoulin. En effet, le service fourni doit être conforme à la description qui en est faite dans le contrat (article 40 de la Loi sur la protection du consommateur). L’agence doit aussi informer ses clients de la possibilité d’un changement d’horaire ou d’itinéraire ainsi que des conséquences sérieuses qui peuvent en découler, notamment lorsqu’un client doit arriver à destination à temps pour l’embarquement sur un bateau de croisière (Francis c. Voyages Bergeron inc.). D’ailleurs, comme l’a rappelé le juge dans Voisine c. Voyages Jean-Pierre inc., les professionnels du voyage ont un devoir de conseil : ils doivent recommander à leurs clients d’avoir suffisamment de temps entre les vols de correspondance.

Qualité des services

Dans Poirier c. Agence de voyages Air-mer inc., compte tenu de la piètre qualité des services offerts par l’hôtel et de l’insalubrité des lieux, un grossiste a été condamné à rembourser aux voyageurs le prix de leur voyage à Cuba et à leur payer des dommages-intérêts. L’hôtel, classé trois étoiles, était malpropre, voire insalubre: la salle de bains était sale, le plancher de la chambre était poussiéreux et toutes les ampoules étaient brûlées. Les autres toilettes de l’hôtel étaient également inutilisables et tous les restaurants étaient fermés, à l’exception du buffet. De plus, contrairement aux déclarations faites par les défenderesses, aucune activité n’était disponible sur place. Par ailleurs, la juge a refusé de réduire la réclamation pour tenir compte de la portion aérienne du forfait. Selon elle, lorsqu’un consommateur achète un forfait de voyage, il achète un tout, c’est-à-dire un ensemble de services et non des prestations individuelles.

En achetant un voyage tout compris de deux semaines à Cuba dans un hôtel classé quatre étoiles et demie, un client peut s’attendre à être logé dans une chambre confortable et non infestée de punaises de lit. Ainsi, dans Thuot c. Tours Mont-Royal, la demanderesse a obtenu des dommages-intérêts de 1 000 $.

Dans Langelier c. Voyage Vasco Louise Drouin, l’omission de fournir aux voyageurs un accès à une plage de qualité où des activités familiales peuvent être exercées dans un environnement de villégiature et dans une quiétude relative a également été sanctionnée par le remboursement complet du coût du voyage. Par ailleurs, après avoir passé leurs vacances dans le chaos et le tumulte d’un hôtel logeant 600 à 700 étudiants en vacances à l’occasion de la semaine de relâche (spring break), à Acapulco, des voyageurs ont chacun obtenu un dédommagement de 750 $. En les renseignant de façon erronée quant à la présence possible d’étudiants durant la semaine de relâche, leur agence de voyages a manqué à son obligation de résultat (Boulanger c. Voyages Escapade inc.).

Lors d’un voyage de type «tout inclus», un voyageur peut aussi raisonnablement s’attendre à avoir de l’eau potable à l’hôtel où il séjourne. L’agence de voyage doit informer ses clients lorsqu’elle est avisée qu’une sécheresse entraîne une pénurie d’eau (Lamoureux c. Tours maison inc.).Toutefois, le fait pour un voyageur de tomber malade en vacances ne suffit pas à lui seul à engager la responsabilité de l’agence de voyages et du grossiste. En vendant un forfait de voyage, l’agence ne garantit pas implicitement que le client ne sera pas victime de la diarrhée des voyageurs (Côté c. Agence 1001 Voyages inc. (Club voyages 1001).

Obligation de sécurité

Le grossiste et l’agence de voyages ont également une obligation de sécurité envers leurs clients. Dans Lebel c. Transat Tour Canada inc. (Nolitours), ils ont été condamnés à payer un total de 14 734 $ à des voyageurs qui ont été volés et agressés au cours d’un voyage en République dominicaine. De plus, comme l’a rappelé le juge dans Vincent c. Vacances Tours Mont-Royal, un grossiste qui sait ou devrait savoir qu’un soulèvement populaire l’empêchera de s’acquitter de ses obligations envers ses clients fait preuve d’insouciance, d’imprudence et de négligence grossière en les laissant partir dans un tel endroit.

Dans un prochain billet, j’examinerai certains cas où la force majeure a été invoquée par les agences de voyages, avec ou sans succès, afin de se dégager de leurs obligations.

Références

  • Saraïlis c. Voyages Héritage J & A inc. 2008 QCCA 2439, SOQUIJ AZ-50527496, J.E. 2009-101
  • Charbonneau c. Agence de voyages Gaby 1982 inc. (Voyages Uber) 2012 QCCQ 15647, SOQUIJ AZ-50927020, 2013EXP-280
  • Noreau c. Voyages Bergeron inc. 2011 QCCQ 8209, SOQUIJ AZ-50773071, 2011EXP-2525
  • Daoust c. Club voyages Dumoulin 2012 QCCQ 197, SOQUIJ AZ-50823450, 2012EXP-721, J.E. 2012-398
  • Francis c. Voyages Bergeron inc. 2012 QCCQ 14083, SOQUIJ AZ-50921868, 2013EXP-87
  • Voisine c. Voyages Jean-Pierre inc. 2009 QCCQ 793, SOQUIJ AZ-50536298, B.E. 2009BE-310, [2009] R.L. 8
  • Poirier c. Agence de voyages Air-mer inc. 2011 QCCQ 14436, SOQUIJ AZ-50807893, 2012EXP-177, J.E. 2012-111
  • Thuot c. Tours Mont-Royal 2011 QCCQ 6913, SOQUIJ AZ-50763530, 2011EXP-227
  • Langelier c. Voyage Vasco Louise Drouin 2010 QCCQ 10070, SOQUIJ AZ-50692927, 2011EXP-2, [2010] R.L. 567
  • Boulanger c. Voyages Escapade inc. 2007 QCCQ 6526, SOQUIJ AZ-50438224, B.E. 2007BE-738
  • Lamoureux c. Tours maison inc. 2006 QCCQ 16812, SOQUIJ AZ-50425244, B.E. 2007BE-589
  • Côté c. Agence 1001 Voyages inc. (Club voyages 1001) 2007 QCCQ 2250, SOQUIJ AZ-50423899, J.E. 2007-865
  • Lebel c. Transat Tour Canada inc. (Nolitours), (C.Q., 2009-10-27), 2009 QCCQ 11920, SOQUIJ AZ-50583578, B.E. 2009BE-1057
  • Vincent c. Vacances Tours Mont-Royal 2012 QCCQ 3354, SOQUIJ AZ-50854171, 2012EXP-2069, J.E. 2012-108
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