Comme le rappelait récemment la juge Geneviève Marcotte (Bier c. Takefman), l’amitié et les affaires ne font pas toujours bon ménage! Excédé de ne pouvoir récupérer rapidement des avances de fonds, un investisseur avait lancé une campagne virtuelle de dénigrement contre ses débiteurs par l’envoi d’une multitude de courriels contenant insultes, accusations injustifiées et allégations d’adultère.

Un comportement historique?

L’humain étant ce qu’il est, ce genre de comportement ne date pas d’hier. De 1917 à 1922, des centaines de lettres anonymes glissées dans des paniers d’emplettes ou laissées dans des endroits publics d’une petite ville de France avaient causé bien des émois. Ces lettres, qui dénonçaient l’infidélité des uns ou la mauvaise conduite des autres, étaient le fait d’un « corbeau », une amoureuse éconduite prise d’une rage revancharde…

De nouveaux supports

Près d’un siècle plus tard, la propagation de ragots et de rumeurs existe toujours, mais les supports ne sont plus tout à fait les mêmes. Le Web et toutes ses déclinaisons (courriels, blogue, forum de discussion et médias sociaux) offrent en effet une tribune exceptionnelle aux diffamateurs. Et les dommages peuvent être considérables, la technologie ayant décuplé l’auditoire de tels libelles. De récents cas rapportés en jurisprudence concernent notamment des propos diffamant un ancien employeur (Arpin c. Grenier), un bon nombre de politiciens (Prud’homme c. Rawdon (Municipalité de); Girard c. Desmeules; Ward c. Labelle; Bordeleau c. De Cotis) et même un professeur (Lukawecki c. Bayly). Le Web a toutefois le « mérite » de priver ses auteurs de leur anonymat (Lapierre c. Sormany)…

Des précautions à prendre

La mesure des réparations accordées à la victime de diffamation dépend notamment de la durée de la diffusion des commentaires diffamatoires, de la facilité à identifier la victime et de la fréquentation des sites où ils sont diffusés (Laforest c. Collins et National Bank of Canada c. Weir). Par ailleurs, les exploitants de portail Internet devraient se garder de laisser « traîner » des propos diffamatoires sur leur site (Canoë inc. c. Corriveau).

Notre investisseur colérique a ainsi été condamné à payer près de 100 000 $ à titre de dommages- intérêts. Quant à notre « corbeau », elle a écopé, en décembre 1922, d’un mois de prison avec sursis et de 200 francs d’amende. Quand même.

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