Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement, pendant un demi-siècle, l’amiante a été utilisée comme isolant dans les immeubles, et ce, jusque dans les années 1980. On l’utilisait dans des matériaux de revêtement, des bardeaux ainsi que des panneaux muraux et il pouvait également y en avoir dans l’isolant de vermiculite en vrac. Des milliers d’habitation sont donc susceptibles d’en contenir. Dans ce billet, j’examinerai quelques décisions où des propriétaires d’immeuble, inquiets des possibles conséquences sur leur santé, ont tenté d’obtenir une compensation après avoir découvert la présence de ce matériau.

Un bref rappel concernant les vices cachés

La garantie légale contre les vices cachés est prévue à l’article 1726 du Code civil du Québec :

1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.

Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

Pour être visé par cette garantie, le vice doit donc être caché, inconnu de l’acheteur, exister lors de la vente et être grave.

Quelques illustrations jurisprudentielles

Dans Immeubles Jacques Robitaille inc. c. Province canadienne des religieux de St-Vincent-de-Paul (confirmé par la Cour d’appel), la juge a conclu que la présence d’amiante ne constituait pas un vice caché. La demanderesse réclamait plus de 500 000 $ à titre de diminution du prix de vente d’un immeuble acheté de la défenderesse. Il s’agissait d’un immeuble composé de trois bâtiments, incluant une église, que la demanderesse voulait transformer en hôtel. Des travaux de démolition étaient donc nécessaires, mais le projet a été suspendu après la découverte d’amiante dans les murs. La juge a rappelé que la notion de vice est indissociable du déficit d’usage et que, si l’on ne procède pas à des travaux de démolition, la présence d’amiante n’en cause aucun. Selon le tribunal, la démolition de certaines parties de l’immeuble était inévitable et prévisible, compte tenu de sa désuétude. La juge a donc retenu que la demanderesse se plaignait de l’imprévisibilité des coûts reliés à la démolition, qui découle de son obligation juridique de procéder à l’enlèvement de l’amiante selon une méthode plus coûteuse, alors que la démolition ne constitue pas un usage. Enfin, elle a conclu que l’usage protégé par la garantie de qualité ne comprend aucun volet juridique et ne couvre donc pas le déficit d’usage d’ordre juridique.

Ce jugement a par la suite été appliqué dans quelques décisions, dont Lafond-Tremblay c. Bellerose, où les demandeurs réclamaient notamment de leurs vendeurs le coût des travaux de décontamination et de reconstruction à la suite de la découverte d’amiante dans l’isolation des plafonds et des murs. Le juge a rejeté leur requête en concluant que, s’ils n’avaient pas procédé à des travaux de rénovation et de démolition de l’immeuble, la présence d’amiante dans l’isolation n’aurait causé aucun déficit d’usage et que, par conséquent, la garantie légale de qualité du vendeur ne s’appliquait pas.

Dans Thi c. Bernard, les demandeurs réclamaient l’annulation de la vente de l’immeuble qu’ils avaient acheté, car ils avaient découvert qu’un matériau contenant de l’amiante avait été installé sous un plancher de bois franc. Or, le juge a également retenu que la présence d’amiante ne peut être assimilée à un vice caché.

Dans une affaire récente (Morissette c. Buteau), les demandeurs avaient acheté des défendeurs une maison construite en 1928. Après avoir effectué certains travaux, ils avaient notamment découvert la présence de vermiculite dans les murs, qu’ils ont dû faire enlever. D’avis qu’il s’agissait là d’un vice caché, ils ont réclamé des dommages-intérêts aux vendeurs mais, en l’absence de preuve d’un déficit d’usage, le juge a rejeté leur requête. Selon lui, la présence de vermiculite à l’intérieur des murs résulte de la vétusté de l’immeuble et des normes qui, à l’époque, permettaient l’installation de ce produit. Il ne s’agissait donc pas d’un vice caché. D’ailleurs, l’existence d’un risque sérieux pour la santé des occupants n’avait pas été démontrée.

Enfin, dans Bellemare c. Fouquet, le juge a rappelé que, dans la mesure où il n’est pas manipulé, l’isolant contaminé à l’amiante est un matériau isolant efficace et non nuisible qui ne cause aucun déficit d’usage à l’immeuble.

La situation serait-elle différente si un acheteur réussissait à prouver que ses problèmes de santé sont attribuables à la présence d’amiante? Cela reste à voir…

Références

  • Immeubles Jacques Robitaille inc. c. Province canadienne des religieux de St-Vincent-de-Paul, SOQUIJ AZ-50343717, J.E. 2006-192, [2006] R.J.Q. 275, [2006] R.D.I. 151 (rés.)
  • Immeubles Jacques Robitaille inc. c. Province canadienne des religieux de St-Vincent-de-Paul, 2007 QCCA 1184, SOQUIJ AZ-50449917, B.E. 2007BE-964
  • Lafond-Tremblay c. Bellerose, 2011 QCCQ 15312, SOQUIJ AZ-50812789, 2012EXP-260
  • Thi c. Bernard, 2011 QCCS 278, SOQUIJ AZ-50716150, 2011EXP-1233, [2011] R.L. 65
  • Morissette c. Buteau, 2013 QCCS 144, SOQUIJ AZ-50929517, 2013EXP-532, J.E. 2013-277
  • Bellemare c. Fouquet, 2010 QCCQ 6536, SOQUIJ AZ-50660326, 2010EXP-2912
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