Dans un article paru à L’Express Travail, j’ai présenté de courts résumés d’une dizaine de décisions récentes portant sur des mesures disciplinaires imposées à des salariés qui avaient dénoncé ou critiqué publiquement, par la voie des médias, leur employeur. Or, voilà que je viens de recevoir une sentence arbitrale qui discute de la question, mais sous un angle différent puisque le salarié allègue que l’employeur a transmis aux médias de fausses informations le concernant. 

Il s’agit de l’affaire Association des employés du Nord québécois et Commission scolaire Kativik (.pdf).

Le plaignant a enseigné dans une école du Grand Nord québécois administrée par la Commission scolaire Kativik. Au printemps 2010, il a été agressé brutalement par deux élèves. Il a alerté les médias afin de dénoncer le manque de soutien et de ressources mis à la disposition du personnel pour lutter contre la violence. Le Journal de Montréal a diffusé des articles rapportant ses propos ainsi que les réponses fournies par la Commission scolaire et les commentaires des représentants syndicaux.

Un grief a ensuite été déposé au nom du plaignant afin de réclamer, en vertu de l’article 49 de la Charte des droits et libertés de la personne, le paiement de dommages-intérêts pour atteinte à sa dignité et à sa réputation.

L’arbitre Maureen Flynn a fait droit au grief. Elle s’est dite convaincue de la bonne foi et du professionnalisme du plaignant. Elle a conclu que ses déclarations relativement aux actes de violence commis dans l’école, et qui sont corroborées par plusieurs collègues, étaient véridiques. L’arbitre a estimé que les enseignants avaient dénoncé en vain la situation à toutes les instances et que, dans les circonstances, le dépôt d’un grief n’aurait rien changé.

Par ailleurs, l’arbitre a conclu que certains propos contenus dans les réponses fournies par la Commission scolaire avaient porté atteinte à la dignité du plaignant ainsi qu’à sa réputation. En effet, les articles publiés dans les médias montrent que la Commission scolaire a tenu le plaignant responsable de la situation qu’il avait lui-même dénoncée. L’employeur a fait état de la mauvaise attitude du plaignant, de son incapacité à gérer sa classe, de sa difficulté à s’adapter au milieu nordique ainsi que de son manque de respect et de professionnalisme. L’omission du plaignant de recourir au processus interne et l’absence de demande d’aide ont également été mentionnées par l’employeur.

Selon l’arbitre, plusieurs de ces affirmations de la Commission scolaire étaient fausses et elles constituent de la diffamation. Ces déclarations ont porté atteinte à la dignité du plaignant (art. 2087 du Code civil du Québec) ainsi qu’à sa réputation (art. 4 de la charte). Elle conclut ainsi :

La preuve révèle que les articles ont été lus par des collègues enseignants et directeurs d’école et ces derniers ont bien retenu le message véhiculé par les déclarations de la Commission, soit que [le plaignant] était violent et cette «étiquette» est non seulement fausse mais affecte directement sa réputation d’enseignant en adaptation scolaire. Enfin, la preuve a démontré que [le plaignant] a été affecté par les attaques de la Commission alors qu’elle était son Employeur. Ainsi, à la lumière des comparables soumis par la partie syndicale, j’estime que la somme de 15 000 $ est raisonnable dans les circonstances.

Référence

Association des employés du Nord québécois et Commission scolaire Kativik (T.A., 2013-04-08), SOQUIJ AZ-50966087

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