À la suite de la tragédie ferroviaire survenue à Lac-Mégantic, le Barreau du Québec vient de publier une trousse de renseignements destinée aux citoyens sinistrés et aux proches des personnes disparues. On y trouve de l’information générale concernant diverses questions légales, notamment celles concernant l’absence ou le décès d’une personne.

En effet, qu’arrive-t-il juridiquement lorsque quelqu’un disparaît sans laisser de trace et que personne ne sait s’il est encore vivant ou non ?

 Selon les articles 84 et 85 du Code civil du Québec (C.C.Q.), l’absent est celui qui, alors qu’il avait son domicile au Québec, a cessé d’y paraître sans donner de nouvelles et sans que l’on sache s’il vit encore. Il est présumé vivant durant les sept années qui suivent sa disparition, à moins que son décès ne soit prouvé avant l’expiration de ce délai.

Lorsqu’il s’est écoulé sept ans depuis la disparition, tout intéressé peut demander au tribunal de prononcer un jugement déclaratif de décès conformément à l’article 92 C.C.Q. Un tel jugement peut également être rendu avant ce temps lorsque la mort peut être tenue pour certaine, sans qu’il soit possible de dresser un constat de décès. La date du décès est alors fixée soit à l’expiration de sept ans à compter de la disparition, soit plus tôt, si les présomptions tirées des circonstances permettent de tenir la mort d’une personne pour certaine (art. 94 C.C.Q.). Enfin, le jugement déclaratif de décès produit les mêmes effets que le décès (art. 95 C.C.Q.), notamment en ce qui concerne les droits patrimoniaux des conjoints, l’ouverture de la succession et les réclamations d’indemnités d’assurance.

Voici donc quelques décisions où un jugement déclaratif de décès a été demandé parce que la mort de la personne pouvait être tenue pour certaine ou parce que celle-ci était absente depuis sept ans.

Dans Renda (Re), la conjointe d’un homme lié au crime organisé demandait au tribunal de déclarer qu’il était décédé trois ans auparavant, soit le 20 mai 2010. Ce jour-là, son mari était allé jouer au golf et il s’était rendu à son établissement d’affaires. Il l’a par la suite appelée pour l’aviser qu’il allait faire une course avant de rentrer à la maison, mais il n’est jamais revenu. Sa voiture a été retrouvée en bordure d’une route, à quelques centaines de mètres de son domicile. Il n’a donné aucune nouvelle depuis et il n’a pas utilisé sa carte de crédit. La police a confirmé qu’une enquête pour disparition était en cours et que les circonstances s’apparentaient à un enlèvement, mais rien ne permet de conclure que Renda avait été averti que sa vie était en danger. La juge a conclu que l’hypothèse du décès était sérieuse, mais que Renda avait également pu se sentir menacé et avoir décidé de se cacher. Elle a rappelé que pour prouver le décès, il faut des indices graves, précis et concordants permettant d’en établir la certitude, ce qui n’avait pas été établi en l’espèce.

Par contre, lorsqu’il s’est écoulé plus de sept ans depuis la disparition d’une personne, les circonstances du décès n’ont pas à être prouvées (Sandaldjian c. Directeur de l’état civil).

Ainsi, dans Houle (Re), une mère a obtenu un jugement déclaratif de décès après que son fils, célibataire et sans enfant, eut été porté disparu depuis 12 ans. Ni ses deux sœurs ni son employeur ne l’avaient revu depuis le 8 juillet 1996, il n’avait jamais communiqué avec eux et rien ne leur laissait croire qu’il était encore vivant.

Dans Royer (Re), le fils des demandeurs était en voyage au Pérou lorsqu’il s’est aventuré seul sur le glacier Pariacaca, qu’il avait projeté d’escalader avec un ami. Or, il n’est jamais revenu. Des équipes de recherches ont intensivement tenté de le retrouver, mais en vain. Il n’avait pas d’argent sur lui lors de sa disparition et ses cartes de crédit, de débit et d’assurance-maladie n’ont pas été utilisées par la suite. Ainsi, moins de deux ans après sa disparition, ses parents ont obtenu un jugement l’ayant déclaré décédé le 27 novembre 2004.

Enfin, dans Marois et Chassé, l’épouse du requérant était disparue le 27 mars 1996 alors qu’elle séjournait depuis deux mois dans l’aile psychiatrique d’un centre hospitalier pour des problèmes de dépression majeure et de psychose. Peu de temps avant sa disparition, elle avait exprimé à d’autres patientes son intention de se suicider. Elle devait sortir de l’hôpital le 28 mars, mais elle se sentait incapable de vivre seule et de s’occuper de ses enfants, son mari lui ayant annoncé qu’il ne retournerait pas avec elle. Elle a quitté l’hôpital sans son portefeuille, elle ne s’est pas manifestée à ses enfants et elle n’est pas entrée en contact avec sa sœur. Les recherches effectuées n’ont donné aucun résultat. Par conséquent, quatre ans plus tard, son mari a obtenu un jugement l’ayant déclarée décédée le 27 mars 1996.

Références

  • Renda (Re) (C.S., 2013-01-22), 2013 QCCS 100, SOQUIJ AZ-50928853, 2013EXP-397, J.E. 2013-209
  • Sandaldjian c. Directeur de l’état civil (C.A., 2003-11-26), SOQUIJ AZ-04019088, B.E. 2004BE-377
  • Houle (Re) (C.S., 2008-10-16), 2008 QCCS 5091, SOQUIJ AZ-50518803, B.E. 2008BE-1141.
  • Royer (Re) (C.S., 2006-07-07), 2006 QCCS 4695, SOQUIJ AZ-50383684, J.E. 2006-1597.
  • Marois et Chassé (C.S., 2000-03-13), SOQUIJ AZ-00021456, J.E. 2000-920, [2000] R.D.F. 301.
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