En vertu de l’article 621 du Code civil du Québec (C.C.Q.), un successible peut être déclaré indigne dans les cas suivants :

1)      S’il a exercé des sévices à l’endroit du défunt ou a eu autrement envers lui un comportement hautement répréhensible;

2)      S’il a recelé, altéré ou détruit de mauvaise foi le testament du défunt;

3)      S’il a gêné le testateur dans la rédaction, la modification ou la révocation de son testament.

Il est alors exclu de la succession. Au cours des cinq dernières années, quelques jugements intéressants ont été rendus en la matière de déclaration judiciaire d’indignité, dont celui opposant la famille et la veuve d’Arturo Gatti

Dans cette affaire hautement médiatisée, la mère, l’un des frères ainsi que l’ex-conjointe du défunt boxeur, en sa qualité de tutrice de sa fille mineure, demandaient l’annulation de son dernier testament pour cause de captation. Ils voulaient également faire déclarer indigne la veuve de Gatti, Amanda Barbosa Rodrigues, aux motifs qu’elle aurait eu un comportement hautement répréhensible en manipulant son conjoint et en l’isolant de sa famille. Selon eux, elle aurait également gêné le testateur en exerçant des menaces ainsi que des pressions sur lui, puis elle aurait été en possession d’un testament antérieur qu’elle refusait de leur transmettre. Or, la juge a conclu que, même si la veuve avait tenu des propos déplacés et désagréables et qu’elle était préoccupée par des questions financières, rien n’indiquait qu’elle avait profité de son conjoint ou qu’elle l’avait manipulé afin de l’inciter à signer un testament malgré lui.

Dans L.L. c. C.P., la demanderesse prétendait que l’ex-conjoint de sa sœur, laquelle souffrait de sclérose en plaques, était indigne de succéder. Selon elle, il avait mal administré les biens de sa conjointe alors qu’il agissait à titre de mandataire. Citant la Cour d’appel dans Y.L. c. Yv.V., le juge a rappelé que la déclaration d’indignité est réservée aux cas d’administration frauduleuse et qu’elle ne vise pas les situations d’administration fautive. Dans cette affaire, un père, qui agissait à titre de curateur de sa fille laissée dans un état neurovégétatif à la suite d’un accident de la route, avait diverti à son profit l’argent de celle-ci. Il avait également empêché qu’une partie de son capital porte fruit et il avait fait des inscriptions qu’il savait fausses dans le but de cacher son méfait. Sans surprise, il a donc été déclaré indigne de succéder, et sa succession a dû rembourser 184 640 $ à celle de la fille.

Un fils a aussi été déclaré indigne de succéder à sa mère dans G.C. c. C.C., alors qu’il s’était approprié l’argent dont celle-ci avait hérité de son mari (94 292 $). Il avait également empêché sa mère de recevoir les soins auxquels elle avait droit et il exerçait un contrôle total sur elle, au détriment de sa qualité de vie, en plus de faire preuve de violence à son endroit. La juge a donc conclu qu’il s’agissait d’un comportement hautement répréhensible.

Par ailleurs, la fabrication d’un faux testament — tout comme l’altération — peut aussi faire l’objet d’une déclaration d’indignité (M.R. c. Mi.R.). Dans cette affaire, l’une des filles du testateur avait altéré à son avantage un chèque et un projet de testament que celui-ci avait fait préparer par un notaire.

Toutefois, le fait qu’une épouse n’ait pas repris son conjoint à la maison après l’hospitalisation de celui-ci (I.M. c. M.O.) ou qu’une amie n’ait pas respecté son engagement de résider avec le testateur et de prendre soin de lui avant son décès (Sasseville c. Therrien Legault) ne suffit pas pour être déclaré indigne de succéder.

Enfin, dans Piché c. Fournier, un homme déclaré non criminellement responsable du meurtre de ses parents avait été déclaré indigne de succéder à sa mère au motif que l’assassinat de celle-ci constituait des sévices et un comportement hautement répréhensible. Or, la Cour d’appel a cassé ce jugement en concluant que l’article 621 C.C.Q. réserve en principe la sanction de l’indignité aux seuls sévices et comportements répréhensibles volontaires et intentionnels. En l’espèce, les gestes du fils résultaient d’un délire d’une telle ampleur qu’il l’avait privé de tout discernement, le rendant incapable de distinguer le bien du mal. Quant à ses agissements avant le meurtre, ils s’inscrivaient dans le contexte du délire mental que la schizophrénie occasionnait chez lui.

Références

  • Gatti c. Barbosa Rodrigues (C.S., 2011-12-16), 2011 QCCS 6734, SOQUIJ AZ-50813552, 2012EXP-97, J.E. 2012-68, [2012] R.J.Q. 179.
  • L.L. c. C.P. (C.S., 2011-11-01), 2011 QCCS 6121, SOQUIJ AZ-50806859, 2012EXP-26, J.E. 2012-22 (appel rejeté sur requête : (C.A., 2012-02-13), 200-09-007588-111, 2012 QCCA 295, SOQUIJ AZ-50830465).
  • Y.L. c. Yv.V. (C.A., 2010-04-22), 2010 QCCA 808, SOQUIJ AZ-50630395, 2010EXP-1514, J.E. 2010-830.
  • G.C. c. C.C. (C.S., 2010-12-15), 2010 QCCS 6839, SOQUIJ AZ-50720421, 2011EXP-805, J.E. 2011-424.
  • M.R. c. Mi.R. (C.A., 2010-08-27), 2010 QCCA 1527, SOQUIJ AZ-50667819, 2010EXP-2934, J.E. 2010-1621.
  • Piché c. Fournier (C.A., 2010-02-04), 2010 QCCA 188, SOQUIJ AZ-50605321, 2010EXP-632, J.E. 2010-341, [2010] R.J.Q. 455.
  • I.M. c. M.O. (C.S., 2009-05-25), 2009 QCCS 3006, SOQUIJ AZ-50564069, J.E. 2009-1328.
  • Sasseville c. Therrien Legault (C.S., 2009-09-09), 2009 QCCS 4072, SOQUIJ AZ-50574633, B.E. 2009BE-876.
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