Au Québec, et plus particulièrement à Montréal, les projets de condominiums poussent comme des champignons. Or, vivre en copropriété divise peut parfois apporter son lot de problèmes. Voici donc quelques exemples issus de la jurisprudence récente en matière de litiges entre copropriétaires.

Dans Syndicat de copropriété Les Condos du domaine c. Martel, les propriétaires d’une unité de copropriété avaient loué celle-ci à une femme qui exploitait une garderie subventionnée en milieu familial. La déclaration de copropriété autorisait l’exercice d’un travail à domicile, mais l’activité ne devait occasionner aucun désagrément ni bruit ou odeur pouvant nuire aux autres copropriétaires. Or, la garderie entraînait un va-et-vient important, notamment lorsque les parents venaient mener ou chercher les enfants. Le syndicat de copropriété a donc obtenu une injonction interlocutoire ordonnant aux propriétaires de cesser toute activité de garderie dans l’appartement dans les 60 jours suivant le jugement, le temps que l’éducatrice puisse disposer d’un nouveau local pour sa garderie ou que les parents trouvent une nouvelle garderie.

Une demande d’injonction permanente visant à ordonner à un copropriétaire d’enlever des pancartes installées sur ses balcons et portes-fenêtres afin d’annoncer la mise en vente de ses unités a toutefois été rejetée dans 2848-4277 Québec inc. c. Jémus. Le litige opposait des copropriétaires divis qui tentaient en même temps de vendre au public des unités privatives du même complexe résidentiel. Selon le règlement de l’immeuble, aucun objet désagréable à la vue ne peut être installé à l’extérieur, ni au-dessus des fenêtres ni sur les balcons. Le juge, tout en constatant que les multiples pancartes installées par le promoteur donnaient au complexe l’apparence d’un sapin de Noël, a toutefois conclu qu’elles ne constituaient pas des «objets désagréables à la vue» au sens du règlement de l’immeuble.

Par ailleurs, dans Boivin c. Syndicat des copropriétaires Terrasse Le jardin Durocher inc., c’est la décision d’installer un système de caméras de surveillance dans le garage ainsi que dans l’entrée de l’immeuble qui était contestée. Le demandeur s’y opposait au motif qu’il s’agissait d’une atteinte à son droit à la vie privée et qu’un tel système constituait un changement à la destination de l’immeuble, lequel requiert le vote unanime des copropriétaires. La juge a cependant retenu que les normes implantées par le syndicat de copropriété respectaient les recommandations de la Commission d’accès à l’information relativement à l’utilisation de caméras de surveillance et que, par conséquent, il n’y avait pas d’atteinte au droit à la vie privée. De plus, l’installation d’un meilleur système de sécurité s’inscrivait dans la conservation de la destination de l’immeuble, laquelle comprend la sécurité. Dans ces circonstances, le vote unanime des copropriétaires n’était pas requis pour procéder à l’installation des caméras.

L’interdiction de garder un chien à l’intérieur d’une partie privative de l’immeuble peut également être justifiée par la vocation résidentielle de celui-ci et par le fait que les jappements du chien peuvent être entendus dans une autre unité. C’est ce qu’a appris la défenderesse dans Syndicat des copropriétaires du 925 rue de l’Oasis c. Cusson. Dès la signature de la promesse d’achat, elle savait que la déclaration de copropriété lui interdisait de garder son chien. Elle a donc été condamnée à payer au syndicat de copropriété des dommages-intérêts de 1 000 $.

Dans Drolet c. Syndicat de copropriété 9 Jardins Mérici, la Cour d’appel a confirmé la décision d’un juge qui avait ordonné à un copropriétaire, lequel s’était engagé à respecter la déclaration de copropriété l’obligeant à installer du tapis dans sa partie privative, d’enlever le revêtement de sol dur qu’il avait posé. 

Enfin, dans une très récente décision, un syndicat de copropriété prétendait que l’installation d’un solarium sur le toit du garage des copropriétaires, une partie privative, portait atteinte à la destination de l’immeuble et contrevenait à la déclaration de copropriété. Il demandait donc une ordonnance d’injonction permanente afin que cette installation soit enlevée. Or, le juge a conclu que le solarium ne constitue pas une «construction» interdite par la déclaration de copropriété au moment de son installation. De plus, celui-ci n’est pas non plus contraire à la destination de l’immeuble. Il n’est visible que par un ou deux autres copropriétaires, il ne compromet en rien l’utilisation de leurs parties privatives respectives et il ne nuit pas à l’harmonie de la copropriété. 

Références

  • Syndicat de copropriété Les Condos du domaine c. Martel (C.S., 2012-12-10), 2012 QCCS 6173, SOQUIJ AZ-50919849, 2013EXP-27, J.E. 2013-18.
  • 2848-4277 Québec inc. c. Jémus (C.S., 2012-03-22), 2012 QCCS 1277, SOQUIJ AZ-50843242, 2012EXP-1432, J.E. 2012-776.
  • Boivin c. Syndicat des copropriétaires Terrasse Le jardin Durocher inc. (C.S., 2011-11-08), 2011 QCCS 6110, SOQUIJ AZ-50806664, 2012EXP-3, J.E. 2012-2.
  • Syndicat des copropriétaires du 925 rue de l’Oasis c. Cusson (C.Q., 2011-06-13), 2011 QCCQ 6713, SOQUIJ AZ-50762591, 2011EXP-2270, [2011] R.L. 360.
  • Drolet c. Syndicat de copropriété 9 Jardins Mérici (C.A., 2011-05-06), 2011 QCCA 875, SOQUIJ AZ-50751432, 2011EXP-1599.
  • Audet c. Syndicat de la copropriété Jardins Valmer inc. (C.S., 2013-08-27), 2013 QCCS 4090, SOQUIJ AZ-50997922.
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