Billet publié initialement sur LesAffaires.com.

On dit qu’un mauvais règlement vaut mieux qu’un bon procès.

L’affaire Khouzam c. Coporatek inc. en est un bon exemple.

La salariée, avocate de profession, gagnait 150 000 $ annuellement.

Six mois après son embauche, considérant qu’elle était incapable de s’intégrer à l’équipe, son employeur lui a annoncé que son poste était aboli, tout en lui offrant de travailler à distance.

Comme elle était d’avis qu’on la congédiait sans motif sérieux, la salariée a alors réclamé le versement de l’indemnité de départ prévue à son contrat de travail en pareille situation, soit un an de salaire. 

L’employeur a ensuite changé son fusil d’épaule et l’a congédiée, prétextant de nombreuses lacunes tant sur le plan professionnel que dans ses relations interpersonnelles.

De plus, dans ses procédures judiciaires, celui-ci a ajouté divers autres reproches à ceux qu’il avait mentionnés dans la lettre de congédiement, attaquant le professionnalisme de la salariée, prétendant qu’elle avait violé le secret professionnel et modifié les termes de son contrat de travail sans en aviser l’employeur, etc.

Bref, l’affaire s’est envenimée et les parties ont pris part à un procès qui a duré près de deux semaines.

En apparence, la salariée a remporté la mise. En effet, le juge a estimé que la cause réelle du congédiement était un conflit de personnalités, ce qui ne constitue pas un motif sérieux au sens de la jurisprudence, et a par conséquent condamné l’employeur à lui verser l’équivalent d’un an de salaire, en plus d’un boni, soit 165 000 $.

Se fondant sur la Charte des droits et libertés de la personne, le juge lui a également accordé la somme de 5 000 $ pour atteinte illicite et intentionnelle à sa réputation.

Il a enfin estimé que, en introduisant dans les procédures judiciaires des motifs non pertinents et qui visaient à discréditer la salariée, l’employeur  avait commis un abus de droit. Il l’a donc condamné à payer la somme de 50 000 $ à titre de remboursement partiel des honoraires d’avocats qu’elle avait supportés.

Ainsi, la salariée devrait recevoir la somme de 220 000 $, à moins que la Cour d’appel n’intervienne.

Cependant, si l’on tient compte des 165 000 $ d’honoraires que cette dernière a versés à ses avocats, il ne lui reste plus que 55 000 $.

Quant à l’employeur, en considérant les honoraires de ses propres avocats (320 000 $), cette mésaventure vient de lui coûter 540 000 $.

Et le compteur tourne encore puisque l’affaire a été portée en appel.

Ainsi, sans même aborder la question des dommages non quantifiables subis par les deux parties et liés au caractère public de l’affaire, il semble clair, dans l’état actuel des choses, que la négociation d’un «divorce» à l’amiable aurait été mieux avisée, de part et d’autre.

En ce qui a trait au fond de l’affaire, quelle leçon retenir ?

Le congédiement n’est pas une mesure qu’un employeur peut se permettre d’improviser.

En effet, des principes bien établis encadrent ce droit et l’employeur doit être en mesure de démontrer au tribunal que ceux-ci ont été respectés.

Par exemple, en matière disciplinaire, à moins d’une inconduite grave, l’employé a le droit de bénéficier du principe de la progression des sanctions. En matière administrative, il devra avoir été averti de ses lacunes et avoir bénéficié d’un délai raisonnable pour les corriger. Bref, l’employé ne doit pas être pris de court.

Dans l’affaire dont je viens de traiter, le fait que l’employeur ait d’abord informé la salariée de l’abolition de son poste a eu une répercussion notable sur la crédibilité accordée ensuite par le juge à la thèse du congédiement pour cause.

En d’autres termes, l’employeur se présentait au marbre avec deux prises. Or, en tentant de bonifier sa cause par des allégations vexatoires, il a mis le pied dans le champ miné de la diffamation et de l’abus de procédure.

Ce billet a été rédigé avec la collaboration de Me Sylvie Théoret.

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