L’employeur, le Collège Vanier, un établissement d’enseignement anglophone, a affiché un poste de technicien aux services audiovisuels requérant une excellente connaissance du français et de l’anglais écrits et parlés. Il a refusé d’attribuer ce poste au plaignant en raison de son échec au test de français imposé, qui révélait une connaissance du français moindre qu’élémentaire.

Le syndicat a prétendu que le plaignant avait été victime de discrimination fondée sur le motif de la langue, et ce, en violation des articles 10 et 16 de la Charte des droits et libertés de la personne (charte) et il a contesté la validité du test de français ainsi que l’exigence d’une excellente connaissance du français écrit et parlé. 

Qu’en est-il ?

Discrimination fondée sur la langue ?

L’arbitre Me Nathalie Faucher, en s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour suprême en matière de discrimination dans le domaine de l’emploi, a rappelé, dans Association du personnel de soutien du Collège Vanier (CSQ) et Collège Vanier, que l’objet des articles 10, 16 et 20 de la charte vise notamment à bannir toute exclusion discriminatoire basée sur des idées préconçues à l’égard des caractéristiques personnelles qui n’ont aucun effet sur la capacité d’effectuer le travail.

Forte de ces principes, elle se dit clairement en désaccord avec l’opinion exprimée par certains confrères selon laquelle l’exigence d’une connaissance linguistique, tel un excellent français écrit, constitue en soi une norme discriminatoire. Elle s’exprime ainsi :

«L’exigence de connaître une langue constitue à mes yeux la même chose que de détenir un diplôme particulier ou encore une connaissance spécifique. Il s’agit d’un attribut qui se rattache à la compétence d’une personne et non une caractéristique personnelle comme le fait d’être anglophone ou francophone. C’est pourtant cette caractéristique d’être francophone ou anglophone qui doit être à la base du geste reproché pour que l’on puisse conclure à [de la] discrimination.»

Selon elle, pour être discriminatoire, l’exclusion aurait dû être basée sur le simple fait qu’il était anglophone. Au surplus, elle note que l’affichage était silencieux quant à la langue maternelle du candidat. Ici, l’arbitre a conclu que le traitement accordé au plaignant n’avait  pas été différent de celui qui est réservé aux autres personnes anglophones, allophones ou francophones désireuses d’obtenir le poste en litige. Or, le choix du titulaire du poste en litige ne reposait pas sur le fait qu’un candidat appartenait à une communauté linguistique particulière, mais plutôt sur son mérite, ses connaissances et ses capacités à remplir les exigences de la tâche, qui sont des éléments non discriminatoires.

La preuve de l’existence d’une discrimination directe n’a donc pas été faite.

Au sujet d’une possible discrimination systémique, elle détermine que l’exigence linguistique choisie par l’employeur n’avait pas pour effet d’empêcher les personnes anglophones ou allophones d’obtenir le poste, le test de français écrit requis n’ayant pas constitué une norme à laquelle une telle personne serait incapable de satisfaire.

Validité de l’exigence et du test de français

L’exigence relative à une excellente connaissance du français retenue par l’employeur pour l’attribution du poste et le test de français ont été reconnus comme étant également valides en vertu de la convention collective. L’employeur était en droit d’adopter une exigence particulière parce qu’elle était pertinente et reliée au poste. Ici, le titulaire du poste devait communiquer oralement et par écrit avec des clients externes qui sont en majorité francophones ainsi qu’avec des employés qui le sont tout autant.

Au passage, l’arbitre a souligné que, en vertu des articles 2 et 5 de la Charte de la langue française, ces personnes avaient le droit d’être informées et servies en français et que l’employeur doit se conformer à cette norme législative. Quant au test de français, il était également pertinent. Il s’agissait d’un texte simple à rédiger et relié aux fonctions à exercer.

À retenir de cette décision : Ne pas admettre la candidature d’une personne parce que celle-ci ne possède pas une qualité requise, telle la connaissance du français, ne constitue pas d’emblée une pratique discriminatoire interdite sur la base de sa langue.

Références

  • Andrews c. Law Society of British Columbia (C.S. Can., 1989-02-02), SOQUIJ AZ-89111028, J.E. 89-259, [1989] 1 R.C.S. 143; Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), (C.S. Can., 2000-05-03), 2000 CSC 27, SOQUIJ AZ-50075403, J.E. 2000-941, D.T.E. 2000T-440, [2000] 1 R.C.S. 665.
  • Association du personnel de soutien du Collège Vanier (CSQ) et Collège Vanier (Joe Della Sala), (T.A., 2013-09-12), SOQUIJ AZ-51003012, 2013EXP-3287, 2013EXPT-1922, D.T.E. 2013T-704.
  • Syndicat des infirmières et infirmiers de la Vallée des Forts (F.I.I.Q.) et Centre local de services communautaires-Centre d’hébergement et de soins de longue durée Vallée des Forts (griefs syndicaux), (T.A., 2003-06-16), SOQUIJ AZ-50179714, D.T.E. 2003T-907, A.A.S. 2003A-176, [2003] R.J.D.T. 1807; Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 1459 et Centre jeunesse de l’Abitibi-Témiscamingue (Annie Gaouette), (T.A., 2011-11-17), SOQUIJ AZ-50806345, 2012EXP-67, 2012EXPT-56, D.T.E. 2012T-9, A.A.S. 2011A-90, [2012] R.J.D.T. 199.
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