L’article 50 du Code de procédure civile prévoit que celui qui contrevient à une ordonnance du tribunal ou d’un de ses juges est coupable d’outrage au tribunal. Si la partie poursuivante parvient à établir, hors de tout doute raisonnable, tant le non-respect de l’ordonnance que l’intention d’effectuer le geste reproché, la partie défenderesse pourra offrir une explication ou invoquer un moyen de défense. En matière familiale, où la procédure pour outrage au tribunal ne doit être employée qu’en dernier recours, des faits nouveaux survenus depuis l’ordonnance ou même une situation où l’intérêt supérieur de l’enfant justifiera que l’ordonnance ne soit pas respectée pourront faire en sorte que la demande de condamnation pour outrage au tribunal sera rejetée. La Cour supérieure a récemment été appelée, dans Droit de la famille – 132864, à appliquer ces principes. 

Il est ici question de X, un enfant de 10 ans. La juge Catherine La Rosa, dans un jugement où elle a accordé la garde à la mère et des droits d’accès au père, a aussi indiqué ce qui suit dans ses conclusions :

[127] DÉCLARE que les appels téléphoniques au parent qui n’a pas la garde devront être uniquement placés par l’enfant, s’il en fait la demande;

Or, à deux reprises, lorsque X a verbalisé à sa mère son désir de contacter son père par voie téléphonique, il a reçu comme réponse qu’il serait préférable que les échanges verbaux soient reportés dans le courant de la fin de semaine d’accès à venir. Ce refus de permettre la communication téléphonique entre le père et le fils sont à la base d’une demande de condamnation pour outrage au tribunal. La mère a admis les gestes reprochés, mais elle a invoqué l’intérêt supérieur de son fils pour justifier sa décision. Voyant X perturbé au retour des périodes d’accès du père et percevant chez celui-ci le maintien d’une attitude très aliénante, elle était d’avis que les accès téléphoniques étaient contre-indiqués.

Après avoir constaté que la mère était au courant des conclusions de son dernier jugement, dont celle invoquée par le père, la juge La Rosa s’est interrogée quant à l’effet de cette conclusion :

[39] Toutefois, cette conclusion, qui utilise le verbe « déclare », a-t-elle l’effet d’une ordonnance qui comprend généralement l’emploi du verbe « ordonne»? La réponse à cette question est fondamentale puisque sans ordonnance précise de faire ou de ne pas faire, la condamnation pour outrage au tribunal n’est pas possible.

[40] En l’espèce, le Tribunal est d’avis que le libellé de la conclusion invoquée ne constitue pas une « ordonnance » ou un « ordre» au sens où on l’entend pour en arriver, en cas de contravention, à une accusation d’outrage au tribunal.

Même si elle a conclu que le libellé de la conclusion ne permettait pas une condamnation pour outrage au tribunal, la juge a poussé son analyse plus loin, en supposant qu’il était bien question d’une ordonnance, et elle a conclu que la mère aurait eu un moyen de défense valide à faire valoir, soit l’intérêt supérieur de son fils.

La juge a reconnu chez le père une attitude négative à l’égard de la mère et de son conjoint qui s’apparentait à de l’aliénation parentale, un manque complet et préoccupant de balises dans la relation père/fils, une participation beaucoup trop importante de l’enfant dans le conflit parental et un manque de compréhension du père quant aux effets de leurs échanges sur X. Du côté de la mère, elle a relevé que son manque de collaboration résultait de son désir de protéger son fils, du moins partiellement, des comportements aliénants du père et qu’elle n’avait agi ni par vengeance ni par mauvaise foi. D’ailleurs, sa façon de voir les choses s’était révélée juste puisqu’un jugement rendu au mois de septembre a suspendu tout contact téléphonique et prévu des accès supervisés réduits.

Référence

Droit de la famille — 132864, (C.S., 2013-10-07), 2013 QCCS 5067, SOQUIJ AZ-51010968

Print Friendly, PDF & Email