Dans une récente décision, 2 hommes réclamaient chacun plus de 10 millions de dollars à Loto-Québec en prétendant que celle-ci les avait induits en erreur et privés de leurs chances de gagner le gros lot de 1 million de dollars lors des tirages de l’Extra.

Au fil des ans, ils ont régulièrement acheté des billets de loterie avec participation à l’Extra. Si vous n’êtes pas familiarisés avec les produits de Loto-Québec, sachez que cette loterie ne peut être jouée seule et qu’elle doit absolument être jumelée à un autre produit, comme le 6/49. Chaque participation coûte 1 $ et comporte sept chiffres de 0 à 9, générés par l’ordinateur de Loto-Québec; ce numéro est décomposable dans les deux sens. Au total, 10 millions de combinaisons sont possibles. Les chances de gagner varient de 1 sur 10 millions pour le gros lot de 1 000 000 $ à 1 chance sur 11 pour le lot de 2 $, qui se gagne en ayant seulement le dernier chiffre de la combinaison gagnante. La très grande majorité des consommateurs (92,5 %) achètent seulement une combinaison de l’Extra tandis qu’une infime minorité (1,6 %) s’en procure le maximum, soit 10 par billet.

Pour le tirage du 11 août 2010, les demandeurs ont acheté un billet de la loterie 6/49 avec 10 combinaisons de l’Extra. Or, ils ont été surpris de constater que le premier et le dernier chiffre des 10 combinaisons n’étaient jamais les mêmes. Ils ont alors conclu que le système utilisé par Loto-Québec n’était pas aléatoire et que celle-ci enfreignait notamment le Règlement sur les concours de pronostics et les jeux sur numéros ainsi que la Loi sur la protection du consommateur.

Le juge a d’abord retenu que la valeur annuelle des lots offerts pour cette loterie, soit en moyenne 45,33 % au cours des huit dernières années, était conforme aux exigences du règlement. De plus, il a rappelé que les combinaisons vendues aux clients n’ont pas à être générées aléatoirement et sans restriction. En effet, selon le règlement, ce sont les numéros gagnants qui doivent être déterminés aléatoirement. Le tirage de l’Extra, effectué à l’aide de bouliers, respecte cette exigence.

De plus, à la lumière de la grille d’analyse proposée par la Cour suprême dans l’arrêt Richard c. Time inc., le juge a conclu que Loto-Québec n’a pas fait de représentations fausses ou trompeuses concernant le fonctionnement de l’Extra ni les chances de gagner. Le consommateur crédule et inexpérimenté ne sait pas qu’il est assuré de gagner 2 $ lorsqu’il achète 10 combinaisons de l’Extra ni qu’il ne peut alors gagner plus de deux prix. Toutefois, il ne s’agit pas d’un fait important qui pourrait influer sur sa décision d’acheter un billet de loterie ou non.

Le fait qu’une sélection générée par Loto-Québec évite les répétitions pour le premier et le dernier chiffre n’a aucun effet sur les chances de gagner un prix. Loto-Québec a choisi ces paramètres en se fondant sur les préférences de ses clients, qui ont l’impression d’avoir plus de chances de gagner en ayant des numéros différents. Pourtant, dans les faits, une simulation a démontré qu’avec ou sans les paramètres utilisés pour générer les combinaisons vendues aux clients, lorsque ceux-ci achètent le maximum de combinaisons possibles, le nombre moyen de lots gagnés par billet est le même, soit 1,09.

Cette décision est intéressante pour quiconque s’est déjà interrogé sur les obligations de Loto-Québec en ce qui concerne le caractère aléatoire des loteries. En outre, si ce domaine de droit pique votre curiosité, je vous invite à poursuivre votre lecture en consultant cet article, que j’ai rédigé en mai dernier et qui porte sur les conditions requises pour détenir un billet gagnant, le partage d’un lot gagnant, la protection du consommateur dans les loteries promotionnelles ainsi que la validité d’un billet de loterie instantanée.

Références

  • Amar c. Société des loteries du Québec (C.S., 2013-10-31), 2013 QCCS 5343, SOQUIJ AZ-51015024
  • Richard c. Time Inc. (C.S. Can., 2012-02-28), 2012 CSC 8, SOQUIJ AZ-50834275, 2012EXP-836, J.E. 2012-469, [2012] 1 R.C.S. 265
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