Dans un autre billet, paru au mois de mars dernier, je vous faisais part de certaines décisions mettant notamment en cause la responsabilité des coiffeurs, esthéticiennes et autres prestataires de soins esthétiques. Les sommes accordées étaient somme toute plutôt modestes puisqu’il s’agissait presque exclusivement de recours intentés aux petites créances.

Or, dans une récente décision, une juge vient d’accorder 20 473 $ à une jeune fille de 16 ans qui a subi de graves brûlures à la tête à la suite d’une décoloration capillaire reçue dans un salon de coiffure.

La coiffeuse avait d’abord procédé à un test de décoloration sur une mèche de cheveux, mais elle n’avait pas effectué de test d’allergie. Pendant le traitement, la jeune fille a ressenti une sensation de chaleur à la tête, mais la coiffeuse l’a rassurée en lui disant que c’était parce que le produit «agissait». Dix minutes plus tard, elle ressentait des brûlures et des élancements. Lorsque la coiffeuse lui a rincé la tête sous l’eau froide, des cheveux sont tombés et sont restés dans les mains de celle-ci. Selon la jeune fille, ses cheveux ressemblaient alors à de la paille séchée, comme s’ils étaient morts.

Le médecin de la jeune fille l’a dirigée vers un dermatologue qui a constaté des plaies ouvertes avec croûtes sur le cuir chevelu, un écoulement ainsi qu’un bourgeonnement ulcéré important. Elle a dû se faire raser les cheveux et porter une perruque, les lésions ayant mis de cinq à six mois à guérir. Encore aujourd’hui, elle conserve deux placards ulcérés, l’un de 6,5  par 4,5 centimètres, et l’autre de 5 par 2 centimètres, où ses cheveux ne repousseront pas, à moins qu’elle ne subisse une greffe capillaire. Il s’agit d’un préjudice esthétique permanent évalué à 3 %. Elle a également subi des douleurs pendant environ deux semaines, durant lesquelles elle devait dormir assise dans son lit. De plus, elle a été victime de commentaires désobligeants, notamment parce qu’elle portait une perruque, ce qui l’a plongée dans un état dépressif pendant quelques mois.

Après avoir exposé la jurisprudence concernant l’intensité de l’obligation du coiffeur qui accepte de faire une décoloration capillaire, la juge a conclu que celui-ci avait une obligation de moyens.

Or, la coiffeuse n’a pas témoigné sur le produit utilisé ni sur la façon dont elle l’a utilisé, et aucune preuve n’a été faite concernant le caractère adéquat du produit, les tests qui auraient dû être effectués et les modalités d’utilisation préconisées. Il n’était donc pas possible de conclure à une dérogation aux règles de l’art au moyen d’une preuve directe.

Par contre, la juge a estimé qu’il existait une présomption grave, précise et concordante selon laquelle la négligence de la coiffeuse soit à la base du préjudice subi par la jeune fille, notamment parce qu’elle n’avait pas fait de test sur son cuir chevelu et que le délai de traitement avait été trop long.

Elle a rappelé qu’il est anormal qu’une jeune femme de 16 ans, qui s’adresse à un professionnel de la coiffure afin de recevoir un traitement conforme aux règles de l’art, quitte le salon de coiffure dans un état semblable. Selon elle, les coiffeurs supportent le risque inhérent à l’utilisation de produits chimiques allergènes, et il est raisonnable de croire que le préjudice subi par la jeune fille aurait pu être évité si un test d’allergie préalable avait été effectué.

Référence

Gaudet c. Gestion Yvon Héon inc., (C.Q., 2013-12-05), 2013 QCCQ 15008, SOQUIJ AZ-51025133

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