En offrant une tribune à l’indignation populaire, les médias sociaux sont capables de faire plier des compagnies là où la justice traditionnelle avait refusé de sévir, l’affaire Lassonde et son jus Oasis en étant un excellent exemple.

Il faut cependant faire attention aux moyens employés car, si l’incitation au boycott fait partie de la liberté d’expression, cette dernière n’est pas sans limite, s’arrêtant notamment là où la diffamation commence. 

C’est ce dont il est question dans RNC Média inc. c. Jacob (quoique aucun jugement au fond n’ait à ce jour été rendu).

Dans cette affaire, deux coalitions de citoyens qui en ont assez de ce qu’elles considèrent comme de la «radio-poubelle» ont entamé une campagne de dénigrement contre trois stations connues sous l’appellation «Radio X».

Ce cas est particulier en ce que les coalitions en question semblent non seulement attaquer les stations comme telles, mais également, voire surtout les annonceurs qui payent pour y diffuser de la publicité. Les internautes sont ainsi incités à faire pression sur ces derniers par l’entremise, notamment, de pages Facebook.

En d’autres termes, conscientes du fait que Radio X ne se fera pas hara-kiri au nom du bien public ni ne changera son style journalistique, les coalitions s’attaquent à son financement.

Cependant, le propriétaire des stations soutient que les méthodes utilisées sont fautives, trompeuses et de nature diffamatoire. Par exemple, seraient attribués aux animateurs des stations Radio X certains propos qui auraient été tenus sur les ondes d’autres stations.

Le diffuseur a donc institué un recours judiciaires en injonction et en dommages-intérêts contre deux personnes qu’il soupçonne être les chefs d’orchestre de la campagne de dénigrement.

Ceux-ci viennent, sans succès, de tenter d’obtenir le rejet de cette poursuite au terme de la disposition interdisant le recours à une poursuite-bâillon prévue au Code de procédure civile (art. 54.1 et ss.), laquelle vise à éviter que des débats publics ne soient dénaturés ou même tués dans l’œuf à la suite d’intimidation judiciaire.

En effet, le juge a décidé que, si la poursuite du diffuseur brimait effectivement la liberté d’expression des défendeurs dans le contexte d’un débat public, il ne pouvait conclure qu’elle était abusive, paraissant fondée sur des motifs sérieux.

À cet égard, il rappelle que l’incitation au boycott vise à persuader des membres du public d’adopter une certaine ligne de conduite au moyen d’une discussion informée et rationnelle.

Dans un tel contexte, il y a fort à parier que, si les défendeurs ont effectivement déformé la réalité, menti ou induit des interlocuteurs en erreur ou encore les ont incités à commettre une faute à l’endroit des annonceurs — du harcèlement par exemple –, le juge du fond aura de la difficulté à y voir une discussion informée et rationnelle ou un exercice valable de la liberté d’expression.

À suivre!

Référence

RNC Média inc. c. Jacob (C.S., 2013-12-13), 2013 QCCS 6388, SOQUIJ AZ-51031213, 2014EXP-221, J.E. 2014-118.

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