Il arrive parfois que l’acheteur d’un immeuble découvre, après la vente, que celui-ci comporte des vices, et ce, même s’il a eu recours aux services d’un inspecteur préachat. Quelle est alors la responsabilité de ce dernier à l’égard de son client ? En l’absence de règles précises et d’un ordre professionnel encadrant la pratique de l’inspecteur préachat, il peut être difficile d’y voir clair!

Rappelons d’abord que l’inspecteur en bâtiments a généralement une obligation de moyens et non de résultat (Warnock Hersey Professional Services Ltd. c. Gaspan S.A.). En tant que prestataire de services, il doit respecter les règles prévues aux articles 2098 à 2129 du Code civil du Québec, notamment agir au mieux des intérêts de son client, avec prudence et diligence, et conformément aux usages et règles de leur art. Cette inspection ne constitue toutefois pas une expertise.

Comme l’a rappelé la Cour d’appel dans Marcoux c. Picard, en principe, cet examen doit être attentif et sérieux, quoique plutôt rapide et non approfondi. Tout comme l’acheteur, en l’absence d’un indice révélateur, l’inspecteur n’a pas à ouvrir les murs ou à creuser autour des fondations. Il doit constater les vices apparents qui touchent l’immeuble et en diminuent l’usage ou la valeur. En cas de doute, il doit recommander à son client d’avoir recours à un spécialiste.

La jurisprudence regorge de décisions traitant de la responsabilité de l’inspecteur préachat. En voici quelques exemples récents.

Dans Portugais c. Béland, le juge a conclu que l’inspection effectuée par l’inspecteur des acheteurs, bien qu’elle ait été très minimale, remplissait les conditions contractuelles convenues et qu’elle était conforme à la norme de pratique professionnelle. L’inspecteur aurait pu rendre des services professionnels de meilleure qualité en prenant davantage de photographies et en consultant un collègue plus spécialisé dans les toitures, mais il n’a pas commis de faute.

L’objet et l’étendue de l’inspection préachat sont les mêmes, qu’elle soit effectuée par l’acheteur ou par l’inspecteur. L’examen de l’immeuble vise à constater les vices apparents. Dans Bérubé c. Simard (Marimel enr. et Amérispec, Laurentides—Rive-Nord), la juge a suivi le courant de jurisprudence majoritaire en rappelant que la présence d’amiante dans l’isolation de vermiculite n’est pas un vice en soi. Elle a donc rejeté la réclamation du demandeur, qui reprochait à son inspecteur d’avoir commis une faute en ne mentionnant pas la présence de ce matériau dans son rapport, car le mandat de celui-ci est de signaler les vices apparents (voir aussi Shulman c. Maloney Home Inspection Inc.).

Par contre, dans Zuchoski c. Intact, compagnie d’assurances, un recours en garantie intenté contre l’inspecteur a été accueilli, car celui-ci aurait dû constater l’affaiblissement de la structure du balcon de l’immeuble, lequel s’est effondré lors du déménagement du propriétaire. Pour un profane, rien ne laissait croire que la structure du balcon était affaiblie. Cependant, pour un expert dans ce domaine, des indices étaient visibles.

Dans Lemire c. Deschênes, l’inspecteur, qui a omis d’informer ses clients de problèmes majeurs à la structure du bâtiment et des conséquences qui en découlaient, a été condamné à leur payer 57 342 $ en dommages-intérêts. Son rapport contenait de sérieuses lacunes : il ne faisait pas référence à la hauteur du sol inférieur à la base de la fondation et il ne traitait pas de la dégradation importante des structures ni de l’étanchéité de la douche.

S’il constate que le panneau électrique de l’immeuble est situé dans un endroit prohibé par le Code du bâtiment (en l’espèce, dans une salle de bains), l’inspecteur doit également le signaler à ses clients (Champagne c. Cardinal (Cardinal Habitat inspection)).

Il en va de même de la détérioration d’une cheminée et de l’absence de clapets dans la tuyauterie (Leblanc c. Cassagne), d’un vice dans la conception de la toiture (Cyr c. Conseillers en systèmes d’information et en gestion CGI inc. (Groupe CGI inc.)), de l’affaissement de la fondation d’une propriété (9110-9595 Québec inc. c. Lemieux), de la présence d’une fissure importante (Bourget c. Henry) et d’un vice dans le parement extérieur et l’entretoit (Bertosa c. Gabay).

Références

  • Warnock Hersey Professional Services Ltd. c. Gaspan S.A. (C.A., 1988-09-14), SOQUIJ AZ-88011936, J.E. 88-1257, [1988] R.R.A. 672.
  • Marcoux c. Picard (C.A., 2008-02-05), 2008 QCCA 259, SOQUIJ AZ-50472474, J.E. 2008-438.
  • Portugais c. Béland (C.Q., 2013-09-20), 2013 QCCQ 10704, SOQUIJ AZ-51003481, EXP 2013-3227, J.E. 2013-1752.
  • Bérubé c. Simard (Marimel enr. et Amérispec, Laurentides—Rive-Nord), (C.Q., 2010-05-27), 2010 QCCQ 5425, SOQUIJ AZ-50650632, EXP 2010-2600.
  • Shulman c. Maloney Home Inspection Inc. (C.Q., 2011-11-18), 2011 QCCQ 14860, SOQUIJ AZ-50809391, EXP 2012-179.
  • Zuchoski c. Intact, compagnie d’assurances (C.S., 2012-06-01), 2012 QCCS 2686, SOQUIJ AZ-50865900, EXP 2012-2548, J.E. 2012-1339.
  • Lemire c. Deschênes (C.S., 2011-09-29), 2011 QCCS 5312, SOQUIJ AZ-50794027, EXP 2011-3315, J.E. 2011-1844.
  • Champagne c. Cardinal (Cardinal Habitat inspection), (C.Q., 2011-09-12), 2011 QCCQ 10083, SOQUIJ AZ-50785337, EXP 2011-2932.
  • Leblanc c. Cassagne (C.Q., 2010-06-21), 2010 QCCQ 5438, SOQUIJ AZ-50650604, EXP 2010-2599.
  • Cyr c. Conseillers en systèmes d’information et en gestion CGI inc. (Groupe CGI inc.), (C.Q., 2010-01-12), 2010 QCCQ 114, SOQUIJ AZ-50598583.
  • 9110-9595 Québec inc. c. Lemieux (C.A., 2010-10-08), 2010 QCCA 1829, SOQUIJ AZ-50678657, 2010EXP-3382, J.E. 2010-1865, [2010] R.D.I. 705 (rés.).
  • Bourget c. Henry (C.S., 2010-01-26), 2010 QCCS 229, SOQUIJ AZ-50602612.
  • Bertosa c. Gabay (C.S., 2010-09-10), 2010 QCCS 4420, SOQUIJ AZ-50673744.
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