L’article 326 alinéa 1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) prévoit que la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) «impute à l’employeur le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail survenu à un travailleur alors qu’il était à son emploi». L’alinéa 2 de cet article énonce toutefois que la CSST peut imputer le coût de ces prestations aux employeurs d’une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l’imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet, notamment, de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d’un accident attribuable à un tiers.

Dans Allergan inc., la travailleuse était gérante de territoire pour une compagnie pharmaceutique. Elle a subi une lésion professionnelle lorsqu’elle a été piquée par des punaises de lit alors qu’elle séjournait à l’hôtel pour assister à un colloque. L’employeur a demandé un transfert des coûts, alléguant que l’accident avait été causé majoritairement par un tiers.

La CSST a rejeté sa demande au motif que la preuve ne démontrait pas la présence d’un tiers. La CSST a précisé que les punaises de lit n’étaient pas des personnes et qu’elles n’étaient pas sous la garde de l’hôtel. L’instance de révision a confirmé cette décision, ajoutant que, même si l’hôtel devait être considéré comme un tiers, le risque était inhérent aux activités de l’employeur.

La juge administrative Lessard, de la Commission des lésions professionnelles, a cassé cette décision.

Ses motifs

La juge a d’abord établi que la lésion professionnelle subie par la travailleuse découlait d’un manquement du personnel hôtelier, qui est responsable de la propreté et de l’hygiène des lieux. Voici comment elle s’exprime :

[31] Bien que la contamination puisse provenir d’autres clients qui fréquentent l’établissement ou de l’extérieur, […] l’une des obligations principales qui incombe à son propriétaire est de veiller, en tout temps, à la propreté et [à] l’hygiène des lieux.

[32] […] toute personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances, est en droit de s’attendre à ce que l’établissement hôtelier soit impeccable et ne comporte pas un risque de contamination par des punaises de lit.

Elle a estimé que, même si les déplacements d’une gérante de territoire pour le compte d’une compagnie pharmaceutique comportent des risques inhérents aux activités de l’employeur, la lésion professionnelle est survenue dans des circonstances inhabituelles, exceptionnelles, rares ou anormales, voire assimilables à un guet-apens ou à un piège.

[35] Le tribunal considère improbable, en somme, qu’une semblable lésion puisse survenir dans le contexte particulier circonscrit par les tâches de la travailleuse et dans les conditions d’exercice de son emploi.

Insalubrité

La juge Lessard trace un parallèle avec la décision rendue dans Centre de santé et de services sociaux de Portneuf, où une physiothérapeute avait éprouvé des problèmes respiratoires en raison de l’insalubrité du logement d’un bénéficiaire. L’odeur d’urine et d’ammoniaque était tellement forte que la travailleuse a subi un bronchospasme. Cette odeur était attribuable à la présence d’une vingtaine de chats dans la maison. Dans ce cas, le tribunal a reconnu que l’on ne pouvait parler de risques inhérents aux activités de l’employeur, qui offrait des services de santé à des bénéficiaires. Il a considéré que les circonstances étaient tellement exceptionnelles qu’il serait injuste d’imputer les coûts de la lésion professionnelle à l’employeur. La juge Lessard a estimé que cette situation s’apparentait à celle des punaises de lit et qu’il y avait lieu de conclure de la même façon.

Références

  • Allergan inc. (C.L.P., 2013-12-06), 2013 QCCLP 7061, SOQUIJ AZ-51026060, 2013EXPT-2293.
  • Centre de santé et de services sociaux de Portneuf (C.L.P., 2008-10-01), 2008 QCCLP 5644, SOQUIJ AZ-50514942
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