Une éducatrice en service de garde a fait face à la suspension du paiement de l’indemnité de remplacement du revenu (IRR) qu’elle recevait de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) après avoir refusé de retirer le voile qu’elle portait lors de l’examen médical pratiqué par un médecin désigné par cette dernière. 

 Cette travailleuse avait subi une fracture du poignet droit et une entorse de l’épaule droite alors qu’elle était au travail. En janvier 2013, conformément aux dispositions de l’article 204 Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP), la CSST avait mandaté un médecin afin qu’il l’examine. Lors de l’examen, la travailleuse portait un soutien-gorge, une camisole, une jaquette et un voile. Le médecin l’a invitée à retirer son voile afin qu’il procède à l’examen de ses épaules, ce qu’elle a refusé de faire. Finalement, l’examen n’a pas eu lieu. S’appuyant sur les dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 142 LATMP, la CSST a suspendu le versement de l’IRR à compter du 23 janvier 2013 parce que la travailleuse avait entravé l’examen médical sans raison valable. 

Saisie du dossier, la Commission des lésions professionnelles (CLP) a rendu une décision dans laquelle elle a confirmé la position de la CSST (Berrada et Commission scolaire de Montréal).

La CLP a d’abord rappelé que, selon la jurisprudence de ce tribunal, la notion d’«entrave» suppose «l’existence d’une action ou d’une manoeuvre volontaire ayant pour effet d’entacher le résultat de l’examen».

Afin de déterminer s’il y avait eu entrave de la part de la travailleuse, elle a  notamment pris en considération les éléments suivants :

  • Le Code de déontologie des médecins exige que le médecin ne procède à l’examen médical que si les circonstances ne compromettent pas la qualité de son expertise ou la dignité de la profession. De plus, il doit s’acquitter de ses obligations avec compétence et son diagnostic doit être établi avec la plus grande attention;
  • La travailleuse a posé une condition à l’examen du médecin désigné par la CSST, soit celle de porter son voile. Le médecin a expliqué qu’il ne pouvait procéder à un examen adéquat, compte tenu de cette exigence. Le tribunal n’a pas à lui dicter dans quelles conditions ni de quelle manière il devait conduire un examen «adéquat» de l’épaule de la travailleuse. Cette appréciation fait partie de son expertise et elle est tributaire de sa liberté professionnelle.
  • Le médecin n’était pas lié par les méthodes des autres spécialistes qui ont procédé à un examen de la travailleuse. Ainsi, ce n’est pas parce que ses confrères ont accepté d’examiner les épaules de cette dernière par-dessus ses vêtements qu’il devait procéder de cette manière. Il pouvait lui-même déterminer s’il était nécessaire que la travailleuse retire son voile afin d’examiner ses épaules.
  • En tant que tribunal spécialisé, la CLP n’ignore pas que le médecin devait être en mesure de manipuler les membres supérieurs de la travailleuse, de vérifier visuellement s’il y avait déformation ou modification de la forme, d’évaluer la texture et la couleur de la peau ou de noter s’il y avait une cicatrice. Ces observations pouvaient difficilement être réalisées à travers des vêtements.
  • Même si la travailleuse a proposé au médecin de soulever elle-même son voile afin qu’il puisse examiner ses épaules, la décision appartenait à ce dernier.
  • Le médecin a quitté le local pendant que la travailleuse enfilait une camisole et une jaquette. De plus, il lui a proposé que l’examen soit réalisé en présence d’une secrétaire au service de la clinique. Malgré cette suggestion, la travailleuse a persisté dans son refus de retirer son voile. Au terme d’une longue discussion avec celle-ci, le médecin a décidé de mettre fin à l’examen. Sa décision n’a pas été prise de manière impulsive.
  • Les circonstances ne permettent pas de conclure à un refus du médecin de procéder à l’examen. Ce sont plutôt les exigences de la travailleuse quant à la manière dont il devait conduire son évaluation qui ont mis fin à la rencontre.
  • En vertu de l’article 204 de la loi, la travailleuse est assujettie à l’obligation de se soumettre à l’examen requis par la CSST. En refusant de dévoiler ses épaules au médecin, elle a elle-même créé un obstacle à l’examen, ce qui constitue une entrave.

La CLP a par ailleurs conclu que la travailleuse n’avait aucune raison valable de refuser d’enlever son voile. Elle a souligné qu’elle n’avait pas fourni d’explication à cet égard à l’audience. Enfin, la CLP a ajouté que, en faisant une réclamation à la CSST pour une lésion à l’épaule droite et en étant indemnisée pour celle-ci, la travailleuse acceptait de manière implicite de se soumettre à l’examen de ses deux épaules.

La CLP a décidé que la CSST était fondée à suspendre le paiement de l’IRR, et ce, du 23 janvier 2013 au 13 février suivant, date à laquelle un nouvel examen a eu lieu.

Référence

Berrada et Commission scolaire de Montréal (C.L.P., 2014-02-03), 2014 QCCLP 734, SOQUIJ AZ-51041630, 2014EXPT-399

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