Certains d’entre vous connaissez certainement l’histoire de Boucles d’or et des trois ours. Les faits en cause dans ce billet m’ont fait penser à ce conte, dont la morale demeure toujours pertinente: l’intimité des autres devrait être respectée…

Au mois de mai 2013, Rémillard et Leroux sont revenus à leur appartement après une fin de semaine à l’extérieur et ils ont remarqué qu’il manquait de l’alcool dans certaines de leurs bouteilles. Dans les deux mois qui ont suivi, ce phénomène s’est reproduit à trois occasions. Au mois d’août, avant de partir pour quelques jours, ils ont donc installé une caméra dans leur garde-manger.

À leur retour, Rémillard et Leroux ont été troublés lorsqu’ils ont constaté que leur locateur, Harvey, était venu chez eux à quatre reprises, et ce, même s’ils l’avaient avisé par le passé de ne pas entrer dans leur appartement sans autorisation. Sur la bande vidéo qui avait été enregistrée, ils ont pu voir Harvey alors qu’il se promenait dans leur logement, qu’il regardait et fouillait partout et qu’il se servait à même leurs bouteilles d’alcool.

Rémillard et Leroux ont présenté une demande auprès de la Régie du logement, réclamant notamment 201,50 $ en remplacement des bouteilles d’alcool utilisées par Harvey, 2 000 $ en dommages moraux, 3 000 $ en dommages exemplaires et l’installation d’un système d’alarme pour contrôler l’identité des personnes qui entreraient dans leur logement.

Harvey a prétendu qu’il s’était présenté à quelques reprises pour faire des travaux et qu’il avait l’autorisation de le faire. D’ailleurs, même s’il a admis avoir consommé de l’alcool qui appartenait aux locataires, il a prétendu qu’il n’avait pas à payer pour des bouteilles neuves puisqu’il n’avait fini aucune des leurs. Sa conjointe, Poirier, s’est contentée d’affirmer qu’elle n’avait commis aucun geste illégal.

Le juge administratif Marc C. Forest (Rémillard c. Poirier) n’a pas hésité à conclure que Harvey s’était présenté chez les locataires sans autorisation et que, même s’il avait eu l’accord de ses locataires, cela aurait été pour faire des travaux, et non pour fouiller partout et dérober de l’alcool. Harvey avait porté atteinte à la vie personnelle et à la vie privée de ses locataires, et Poirier était partie prenante aux gestes commis car, en tant que colocatrice, elle avait l’obligation de procurer la pleine jouissance des lieux aux locataires. Enfin, puisque les gestes de Harvey étaient volontaires, répétés et faits dans un but de nuire, il y avait lieu d’agir pour décourager une récidive.

Rémillard et Leroux ont eu droit à 201,50 $ pour se procurer des bouteilles neuves et qui n’avaient pas été utilisées par un tiers, à 2 000 $ en dommages moraux pour compenser le stress et les différents problèmes auxquels ils ont fait face et à 3 000 $ en dommages exemplaires. Quant à l’installation d’un système d’alarme, le juge Forest a estimé qu’il appartenait aux locataires d’agir s’ils craignaient pour leur sécurité.

Références

Rémillard c. Poirier (R.D.L., 2013-12-17 (décision rectifiée le 2014-01-22)), 2013 QCRDL 41732, SOQUIJ AZ-51031803.

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