Dans un reportage de l’émission La Facture diffusée le 8 avril 2014, on présentait l’histoire d’un homme souffrant de bipolarité qui s’était lancé dans une série d’achats compulsifs dont il demandait l’annulation. Il a même signé des offres d’achat d’immeuble. Peut-il plaider son état psychologique pour faire annuler les transactions ? Voici quelques exemples de décisions portant sur des cas similaires. 

 Dans B.P. c. C.B., le juge a rappelé que l’aptitude à consentir au moment de la conclusion d’un acte est la règle et l’inaptitude, l’exception. Le demandeur, à la retraite et âgé de 69 ans, souffrait d’une maladie affective bipolaire depuis plusieurs années. En l’espace de quelques mois, il avait déboursé plus de 350 000 $ pour acquérir un certain nombre de biens, dont deux terrains. Le juge a ordonné l’annulation de la vente des deux immeubles en raison de l’inaptitude du demandeur qui, au moment de la signature du contrat, traversait une période de décompensation psychique altérant son caractère et son comportement. Il n’était donc pas apte à s’obliger au sens de l’article 1398 du Code civil du Québec.

Plus récemment, dans Therrien c. Grenier, la vente d’une terre agricole par un homme âgé de près de 80 ans à son neveu a aussi été annulée pour cause de vice de consentement. Le vendeur, qui souffrait de troubles cognitifs, de démence mixte et d’alcoolisme, n’avait pas la capacité de donner un consentement valide lors de la vente. L’appel de cette décision a été rejeté sur requête.

Ce n’était toutefois pas le cas dans D.R. c. De.R. où la demanderesse, agissant au nom de son père, voulait faire annuler le contrat de vente par lequel celui-ci avait cédé ses terres agricoles à son fils en contrepartie d’un montant correspondant aux dettes qui y étaient afférentes. Selon elle, son frère aurait profité de la maladie et de la vulnérabilité de leur père, qui n’avait pas la capacité de prendre une telle décision, ayant notamment reçu un diagnostic de cancer des os au mois juin précédent, à l’âge de 74 ans. Or, la juge a retenu que l’inaptitude du père n’avait pas été démontrée prima facie, que celui-ci savait ce qu’il faisait au moment de la vente et que tout était bien réfléchi. Cette décision est toutefois portée en appel (Inscription en appel, 2014-02-24, et appel incident, 2014-03-13 (C.A.) 500-09-024255-143. Requête en rejet d’appel, 2014-03-25 (C.A.) 500-09-024255-143).

Enfin, être âgé de 86 ans, consommer régulièrement de l’alcool et se déplacer difficilement ne rend pas pour autant quelqu’un sénile et incapable de contracter. C’est ce qu’a appris le vendeur d’un tableau de Riopelle dans Dans Périllat c. Laroche. Il avait payé l’œuvre d’art 72 785 $ en 2000 et, après l’avoir revendue 30 000 $ au propriétaire d’une galerie d’art, il a voulu faire annuler la transaction et obtenir 110 000 $ de plus, soit la différence entre la valeur que son expert attribuait à la toile et le montant reçu de l’acheteur. Aucune preuve médicale ne démontrait que le vendeur était incapable de donner un consentement libre et éclairé lors de la vente, et rien ne permettait de conclure que l’acheteur se soit trouvé dans une position de force face à lui.

Références

  • B.P. c. C.B. (C.S., 2007-10-31), 2007 QCCS 5136, SOQUIJ AZ-50458683, J.E. 2007-2250.
  • Therrien c. Grenier (C.S., 2013-06-19), 2013 QCCS 2740, SOQUIJ AZ-50978686, 2013EXP-2227, J.E. 2013-1196.
  • Grenier c. Therrien (C.A., 2013-09-23), 2013 QCCA 1656, SOQUIJ AZ-51004551.
  • D.R. c. De.R. (C.S., 2014-01-24), 2014 QCCS 190, SOQUIJ AZ-51038011, 2014EXP-611.
  • Périllat c. Laroche (C.S., 2012-07-11), 2012 QCCS 3201, SOQUIJ AZ-50872754, 2012EXP-2827, J.E. 2012-1495.
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