L’article 330 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) prévoit que: «La [CSST] peut imputer le coût des prestations dues à la suite d’un désastre à la réserve prévue par le paragraphe 1o de l’article 312.»

Cette notion de «désastre» est rarement invoquée devant la Commission des lésions professionnelles (CLP).

Le tribunal a récemment été saisi du cas de l’imputation des coûts découlant des lésions professionnelles subies par un journaliste de TVA chargé de réaliser des reportages sur l’état de la circulation lorsque l’hélicoptère à bord duquel il se trouvait s’est écrasé à la suite d’une défectuosité technique (Groupe TVA inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail). TVA a notamment invoqué l’article 330 pour tenter d’obtenir un transfert d’imputation. 

TVA est déboutée

Le juge administratif Bouvier a d’abord rappelé que le principe général d’imputation énoncé à l’article 326 LATMP veut que la CSST impute à l’employeur le coût des «prestations dues en raison d’un accident du travail» alors que, à l’article 330, le législateur parle du coût des «prestations dues à la suite d’un désastre». Le juge en a déduit que l’accident du travail lui-même ne pouvait être le désastre, lequel devait avoir causé l’accident du travail pour que l’employeur puisse bénéficier d’un transfert d’imputation.

Le juge Bouvier a signalé que, dans une loi annotée publiée par la CSST (Québec (prov.). Commission de la santé et de la sécurité du travail. Loi annotée sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Montréal: la Commission, 1986. 309 p.), l’organisme explicitait la notion de «désastre» par une référence à une tragédie industrielle ou à des circonstances spéciales.

 «[…] le tribunal considère qu’un désastre représente une situation exceptionnelle qui peut se caractériser par la rareté de sa survenance ainsi que son ampleur de même que par l’étendue de ses effets sur l’ensemble des activités de l’employeur, l’empêchant ainsi de réaliser que ce soit de façon temporaire ou permanente une partie substantielle de sa mission» (paragr. 51).

 Le juge a conclu que la défectuosité technique d’un équipement utilisé par un employeur ne pouvait être assimilée à un désastre, ajoutant que l’aspect spectaculaire de l’événement n’y changeait rien.

 D’autres décisions où l’employeur a invoqué un désastre

  • Le travailleur, un ferblantier, a été frappé par la foudre alors qu’il se trouvait dans un bâtiment sans électricité appartenant à l’employeur. La CLP a considéré que la foudre constituait un désastre au sens de l’article 330 LATMP et que les coûts afférents au décès du travailleur devaient être imputés à la réserve prévue au paragraphe 1 de l’article 312. Il s’agit de la seule décision ayant accordé une demande de transfert à l’employeur en vertu de cette disposition depuis la création du tribunal, en 1998 (Ventilation Benoit Léveillé inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail – Chaudière-Appalaches).
  • Un accident ferroviaire ayant entraîné le décès d’un travailleur et des blessures à sept autres travailleurs n’était pas un désastre, et l’employeur est demeuré imputé de la totalité des coûts (ArcelorMittal Mines Canada inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail).
  • L’employeur, une entreprise dans le domaine de l’aéronautique, a fait valoir que les attentats du 11 septembre 2001 avaient entraîné des mises à pied massives et que les travailleurs qui étaient alors en assignation temporaire avaient recommencé à recevoir des indemnités de remplacement du revenu. La CLP a refusé d’appliquer l’article 330, notamment parce que le coût des prestations n’était pas directement attribuable au désastre allégué (Bombardier inc. Aéronautique et Commission de la santé et de la sécurité du travail).
  • Le 15 janvier 1998, le travailleur, un électricien, a subi de multiples fractures et entorses en tombant d’une poutre d’acier d’une hauteur d’une vingtaine de pieds. La tempête de pluie verglaçante qui a paralysé certaines régions du Québec pendant plusieurs jours en janvier 1998 correspondait à un événement funeste, un malheur très grave ayant entraîné de lourdes conséquences. Toutefois, la CLP a refusé d’appliquer l’article 330 au motif que la preuve ne permettait pas d’établir que le coût des prestations versées au travailleur était relié au désastre de la crise du verglas de janvier 1998 (Entreprises d’électricité Rial inc.).
  • Le travailleur s’est blessé en installant une pompe dans le contexte des pluies torrentielles s’étant abattues sur la région du Saguenay en juillet 1996. La CLP a rejeté la demande de transfert des coûts de l’employeur. Le tribunal a notamment estimé que ce n’est pas parce que le déluge du Saguenay a pu constituer une situation exceptionnelle touchant l’ensemble de la population de ce territoire qu’il y a lieu de le considérer comme un désastre au regard des activités de l’employeur (Abitibi-Consolidated inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail).

Références

  • Groupe TVA inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail (C.L.P., 2014-07-30), 2014 QCCLP 4413, SOQUIJ AZ-51097386, 2014EXPT-1527.
  • Ventilation Benoit Léveillé inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail – Chaudière-Appalaches (C.L.P., 2012-03-02), 2012 QCCLP 1573, SOQUIJ AZ-50836977, 2012EXPT-606, [2011] C.L.P. 943.
  • ArcelorMittal Mines Canada inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail (C.L.P., 2011-05-30), 2011 QCCLP 3732, SOQUIJ AZ-50758455, 2011EXPT-1174.
  • Bombardier inc. Aéronautique et Commission de la santé et de la sécurité du travail (C.L.P., 2005-03-24), SOQUIJ AZ-50306284, C.L.P.E. 2004LP-280, [2004] C.L.P. 1817.
  • Entreprises d’électricité Rial inc. (C.L.P., 2002-03-27), SOQUIJ AZ-01307918, C.L.P.E. 2002LP-13.
  • Abitibi-Consolidated inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail (C.L.P., 2000-09-21), SOQUIJ AZ-00303098.
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