Il y aura violation au droit à l’image, en tant que composante du droit au respect de la vie privée d’une personne, lorsque son image sera publiée sans son consentement, alors qu’elle est identifiable, pour une fin autre que l’information légitime du public (Aubry c. Éditions Vice-Versa inc., [1998] 1 R.C.S. 591).

Récemment, dans Hammedi c. Cristea, le défendeur, qui est journaliste, éditeur et rédacteur en chef d’un journal, a publié un article auquel était juxtaposée une photographie de la demanderesse coiffée de son niqab. Cette image avait été captée dans un marché aux puces. Pour justifier sa publication, le journaliste affirmait notamment que le port du voile intégral au Québec constitue un sujet d’intérêt public.

Le juge a conclu que la dame était identifiable par le port du voile intégral et la présence à ses côtés de son conjoint et de leur enfant. D’autre part, les membres de ce couple n’exercent aucune activité publique ni n’ont acquis une notoriété. Le défendeur n’a donc pas démontré que la publication de la photographie était justifiée sur la base de l’exception fondée sur l’information légitime du public.

De plus, le journaliste a affirmé qu’il aurait pu tenter d’obtenir leur consentement à la prise et à la publication de leur photographie mais qu’il craignait un refus de leur part. Dans ces circonstances, le juge a estimé que le journaliste ne pouvait prétendre au consentement tacite du couple à la publication de leur image par leur simple présence dans un marché aux puces. Les demandeurs, qui se sont sentis humiliés et atteints dans leur honneur, ont eu droit à 3 500 $ chacun à titre de dommages moraux pour atteinte à leur vie privée.

Dans Pia Grillo c. Google inc., la demanderesse a consulté le site Internet Google Maps pour vérifier de quelle façon sa résidence y était exposée. En cliquant sur l’onglet «Street View», elle a constaté avec surprise qu’elle figurait sur l’image : elle était alors à l’extérieur de sa maison, assise sur la première marche de l’escalier, pieds nus, portant un vêtement sans manche de type débardeur, et une partie de sa poitrine était exposée. Outre l’adresse de sa maison, son véhicule se trouvait aussi sur la photographie sans que la plaque d’immatriculation soit camouflée.

Ce qu’il faut retenir de cette décision, c’est qu’il est faux de prétendre qu’une personne, parce qu’elle est assise sur une marche extérieure de sa maison, et donc qu’elle est visible de la rue publique, a nécessairement ou tacitement, de ce seul fait, renoncé à la protection de sa vie privée et de son image. Comme dans la décision précédente, Google n’a pas démontré que la diffusion de l’image de la dame se justifiait par l’intérêt public ou le droit du public à l’information. Contrairement au droit américain, le fait que la publication ou la diffusion d’une image soit socialement utile n’est pas suffisant pour justifier ou excuser une violation du droit à la vie privée ou à l’image. De même, la gratuité du moteur de recherche ou des services offerts par Google ne constitue ni une excuse recevable ni un élément pertinent. Enfin, une personne ne devient pas méconnaissable du seul fait que son visage a été brouillé; les autres informations ou données se trouvant dans l’image peuvent permettre de l’identifier.

Le juge a donc conclu que le captage et la diffusion de l’image de la dame sans son consentement ont constitué une atteinte à sa vie privée et à son image, soit une faute (art. 1457 du Code civil du Québec). Une somme de 2 250 $ lui a donc été accordée à titre de dommages moraux.

Maintenant, avant de publier une photographie d’une personne, assurez-vous de ne pas porter atteinte à ses droits fondamentaux!

Références

  • Aubry c. Éditions Vice-Versa inc. (C.S. Can., 1998-04-09), SOQUIJ AZ-98111049, J.E. 98-878, [1998] 1 R.C.S. 591.
  • Hammedi c. Cristea (C.S., 2014-09-23), 2014 QCCS 4564, SOQUIJ AZ-51111964, 2014EXP-3138, J.E. 2014-1800. Requête pour permission d’appeler rejetée (C.A., 2014-10-16), 2014 QCCA 1936, SOQUIJ AZ-51116869. À la date de diffusion, la décision n’avait pas fait l’objet d’une requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada.
  • Pia Grillo c. Google inc. (C.Q., 2014-10-03), 2014 QCCQ 9394, SOQUIJ AZ-51113998. À la date de diffusion, la décision n’avait pas été portée en appel.
Print Friendly, PDF & Email