Dans une décision récente (Abssisse et Composite BHS inc.), la Commission des lésions professionnelles (CLP) s’est prononcée sur la légalité de la démarche d’un médecin-conseil de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) auprès d’un médecin désigné par cette dernière. 

La CLP était saisie de la contestation d’un travailleur qui concernait plus particulièrement les limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle dont il avait été victime. La décision contestée devant elle confirmait celle rendue par la CSST à la suite d’un avis du bureau d’évaluation médicale (BEM). Dans un moyen préalable, le travailleur alléguait que le BEM n’avait pas à donner son avis sur les limitations fonctionnelles et que la décision de la CSST y ayant donné suite était irrégulière.

Dans cette affaire, le travailleur avait été examiné par un chirurgien orthopédiste à la demande de la CSST, lequel avait établi des limitations fonctionnelles qui, dans les faits – ainsi que le souligne la CLP – correspondaient à des limitations fonctionnelles de classe 4 selon l’échelle de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail. Toutefois, à la suite d’une intervention d’un médecin-conseil de la CSST lui suggérant qu’il pourrait plutôt s’agir de limitations de classe 3, le chirurgien orthopédiste avait produit un rapport amendé allant en ce sens.

Pour sa part, le médecin qui a charge était d’avis que les limitations initialement retenues par le chirurgien orthopédiste correspondaient à la condition du travailleur. Compte tenu de ce qui paraissait être un désaccord entre son médecin désigné et le médecin qui a charge, la CSST a soumis le dossier au BEM afin qu’il donne son avis sur la question des limitations fonctionnelles.

Portée de l’intervention du médecin-conseil

Selon la CLP, l’intervention du médecin-conseil dans ce dossier – qui a entraîné des modifications importantes des limitations fonctionnelles — allait au-delà de ce que l’on peut considérer comme étant une demande de précision. Il ne s’agissait pas davantage d’une demande de correction d’une erreur de dictée ou d’une erreur technique. De l’avis de la CLP :  «Au lieu de simplement demander une précision, la CSST a présenté une requête en y orientant la réponse.» (paragr. 52)

Un véritable désaccord entre les médecins?

Dans la mesure où le médecin qui a charge persistait à reconnaître des limitations fonctionnelles de classe 4, il peut sembler, de prime abord, qu’il était en désaccord avec les conclusions du chirurgien orthopédiste telles que modifiées.

La CLP a cependant considéré qu’il s’agissait d’un désaccord provoqué artificiellement par l’intervention du médecin-conseil. Elle qualifie cette intervention d’«ingérence flagrante» et «illégale» et ajoute que, sans elle, il n’y aurait pas eu de divergence d’opinions entre le médecin désigné et le médecin qui a charge, de sorte qu’il n’y aurait pas eu lieu de soumettre le dossier au BEM. À cet égard, elle souligne que «la procédure d’évaluation médicale vise, ultimement, à résoudre un litige d’ordre médical et non pas à créer des débats là où il y en a pas» (paragr. 56).

Accueillant le moyen préalable invoqué par le travailleur, la CLP a jugé que les conclusions du BEM étaient irrégulières et a déclaré qu’elle demeurait liée par les limitations fonctionnelles retenues par le médecin qui a charge.  

Référence

 Abssisse et Composite BHS inc. (C.L.P., 2014-10-16), 2014 QCCLP 5751, SOQUIJ AZ-51116753.  À la date de diffusion, la décision n’avait pas été portée en révision.

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