Dans cette cause1, où des patients en phase terminale demandent qu’on les aide à se donner la mort, la constitutionnalité de certaines dispositions du Code criminel interdisant le suicide assisté et l’euthanasie est remise en question, aux motifs qu’elles contreviennent aux articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés en empêchant les personnes handicapées de mettre fin à leurs jours et qu’elles s’immiscent dans la compétence exclusive des provinces en matière de santé. Il s’agit donc d’une cause semblable à ce qui a été vu 20 ans plus tôt dans l’affaire Sue Rodriguez2, où, en 1993, la Cour suprême avait confirmé en majorité – cinq juges contre quatre – la validité des dispositions du Code criminel sur le suicide assisté.

Cependant, dans la cause actuelle, le procureur général du Québec a principalement fait valoir dans son intervention les impacts juridiques pouvant découler de l’encadrement et de l’administration par les autorités provinciales de l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladies graves et incurables en fin de vie. Il a ainsi exposé que les provinces ont une compétence exclusive pour légiférer à l’égard de l’aide médicale à mourir parce que son encadrement légal s’inscrit en ligne droite avec la détermination de la nature des soins de santé offerts et l’encadrement du processus de consentement aux soins. Selon Mme la députée Véronique Hivon, qui a grandement collaboré à la réussite de la loi québécoise en matière de soins de fin de vie3 : « Le Québec est le premier endroit au monde à aborder dans la même loi tous les angles des soins de fin de vie et de l’aide médicale à mourir, le tout dans une démarche fondée sur sa compétence constitutionnelle en matière de santé. »

Quant à la portée à accorder au Code criminel dans cette affaire, l’intervention du procureur général du Québec a aussi permis de rappeler, par le biais du mémoire déposé à la cour, que « la question de l’aide médicale à mourir s’inscrit dans un continuum de soins offerts en fin de vie afin de soulager les souffrances de patients atteints de maladies graves et incurables. Elle doit être abordée en tenant compte du contexte médical dans lequel elle s’inscrit, et non de façon désincarnée en centrant l’analyse uniquement sur sa conséquence ultime, le décès du patient ». Mme Hivon abonde aussi dans ce sens, en faisant également remarquer que « la philosophie derrière les soins de fin de vie dont il est question au Québec est très différente de l’approche légale du suicide assisté en droit criminel. On ne parle pas d’un acte isolé, mais bien d’accompagnement et de soulagement des personnes de façon conforme à leurs besoins et volontés ».

À propos de la Loi concernant les soins de fin de vie

La Loi concernant les soins de fin de vie a pour but d’assurer aux personnes en fin de vie des soins respectueux de leur dignité et de leur autonomie. Elle vise à offrir un accompagnement adapté à la situation de ces personnes, notamment pour prévenir et apaiser leurs souffrances. La loi se divise en deux grands volets. Le premier aborde les droits, l’organisation et l’encadrement relatifs aux soins de fin de vie, lesquels comprennent les soins palliatifs offerts aux personnes en fin de vie et l’aide médicale à mourir, alors que le deuxième volet se rapporte à la mise en place d’un régime de directives médicales anticipées permettant à toute personne majeure et apte à consentir aux soins, à déterminer à l’avance les soins qu’elle accepte ou qu’elle refuse de recevoir dans le cas où elle deviendrait inapte à y consentir. La loi a été sanctionnée le 10 juin 2014. Elle entrera en vigueur au plus tard en décembre 2015, soit 18 mois après sa date de sanction.

Enfin, à savoir ce que pense Mme Hivon du fait que certains pourraient vouloir remettre en cause la validité de cette loi, celle-ci se fait rassurante, expliquant que «je suis confiante sur nos bases juridiques et constitutionnelles. Notre approche a été validée par un comité de juristes experts et nous avons l’appui des ordres professionnels, dont le Barreau du Québec et la Chambre des notaires»

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