En juillet 2009, l’appelante a accueilli ses 2 neveux – âgés respectivement de 16 et 14 ans – pour ce qui devait être un séjour de 1 mois. Au terme de cette période, au lieu de retourner dans leur pays d’origine, ses neveux sont demeurés illégalement au Canada. En 2012, l’aîné étant devenu majeur et le cadet étant émancipé, l’appelante a entrepris des démarches en vue de les adopter.

La juge Ann-Marie Jones, de la Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec, a rejeté les deux demandes d’adoption. Pour elle, il n’était pas possible de considérer que les deux enfants étaient domiciliés au Canada puisqu’ils s’y trouvaient illégalement. Par conséquent, les règles de l’adoption internationale devaient trouver application, mais elles n’avaient pas été respectées.

Dans un arrêt qui a été rendu hier et que vous pouvez consulter dans sa version française ou anglaise (Word) , la Cour d’appel, sous la plume de la juge Marie-France Bich, a rejeté l’appel du jugement de première instance, et ce, malgré son point de vue différent à certains égards.

La Cour a d’abord conclu que les deux enfants avaient leur domicile au Québec, lieu où ils ont l’intention ferme de demeurer, où sont situés leur seule résidence, leurs quelques biens et ce qui reste de leur famille. L’illégalité de leur présence au Canada en vertu des lois sur l’immigration, pour la Cour, n’y changeait rien. La Cour a ensuite déterminé que, puisque l’appelante est aussi domiciliée au Québec, il était donc question d’une demande d’adoption locale, régie par l’article 545 du Code civil du Québec. Cette disposition énonce qu’une personne majeure ne peut être adoptée que par ceux qui, alors qu’elle était mineure, remplissaient auprès d’elle le rôle de parent mais qu’il est possible, dans l’intérêt de l’adopté, de passer outre à cette première exigence. Or, pour la Cour, ni l’une ni l’autre de ces deux exigences n’était respectée.

D’une part, l’appelante n’avait pas rempli le rôle de parent auprès de ses neveux. À cet égard, la période assez courte pendant laquelle les enfants avaient vécu avec leur tante du temps de leur minorité constituait un indice de la nature de leur relation. Aussi, la preuve ne démontrait pas que, à l’exception d’un certain soutien financier, l’appelante avait offert à ses neveux une prise en charge morale, psychologique et éducative, tout en exerçant l’ensemble des obligations reliées au rôle parental. Ainsi, il était difficile de dire que l’appelante avait agi à titre de parent : elle avait laissé ses neveux vivre dans la semi-clandestinité, les gardant en marge d’une éducation véritable, de l’accès aux soins de santé et de la possibilité d’occuper un emploi, et elle les avait exposés au risque constant d’une expulsion en raison de leur situation irrégulière au pays.

D’autre part, alors que l’appelante a fait valoir que l’adoption envisagée avait pour seul objectif de faciliter la régularisation de la situation de ses neveux au regard des lois sur l’immigration, la Cour a indiqué que l’intérêt des enfants à demeurer au Canada ou à éviter d’en être expulsés ne devait pas être confondu avec leur intérêt à être adoptés, qui est plutôt relié à la filiation, à la parentalité, à l’identité et aux sentiments.

Références

  • Adoption — 13315 (C.Q., 2013-12-16), 2013 QCCQ 15730, SOQUIJ AZ-51031252.
  • Adoption 152 (C.A., 2015-02-25), 2015 QCCA 348, SOQUIJ AZ-51153040.
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