Publié initialement sur LesAffaires.com.

Que vous cherchiez une solution d’urgence pour sauver vos finances personnelles ou votre entreprise, ne vous jetez pas sur la première bouée de sauvetage, elle pourrait se révéler de béton.

Avant toute chose, il importe de lire attentivement toutes les clauses de l’entente proposée et de se demander si elles permettront d’atteindre l’objectif visé.

Obligations du prêteur

De façon générale, il importe de garder à l’esprit que les prêteurs à risque sont généralement tenus à moins d’obligations envers leurs emprunteurs que les prêteurs institutionnels, lesquels, pour paraphraser la Cour d’appel dans Garage Technology, assument des obligations à plus long terme envers leurs débitrices.

En d’autres termes, plus le risque est élevé, plus les prêteurs pourront insister sur le respect strict des termes du contrat et exercer rapidement leurs recours en cas de défaut de paiement.

Évidemment, s’il s’agit d’un prêt garanti, ce principe pourrait s’appliquer avec moins d’intensité.

Frais de financement

Les frais de financement sont un autre facteur à considérer.

Par exemple, dans l’affaire Gestion Champlain, l’offre de prêt prévoyait le paiement d’une somme de 3 000 $ à titre de frais de financement, que le capital promis soit ensuite avancé ou non. L’emprunteur, qui a finalement décidé de trouver du financement ailleurs, a été poursuivi en justice pour le paiement de cette somme. Le juge a fait droit à la demande, estimant que les termes de l’offre n’étaient pas abusifs, compte tenu de la nature commerciale de la transaction et du fait que l’emprunteur était représenté par un professionnel.

Dans une autre affaire mettant en cause Gestion Champlain (j’en ai recensé plus d’une vingtaine), les frais de financement prévus étaient de 10 000 $ et ils ont également été accordés au prêteur, bien que le prêt ne se soit pas matérialisé.

En d’autres termes, si vous voulez utiliser une offre de financement d’un prêteur à court terme comme passerelle temporaire vous permettant de changer de prêteur institutionnel, sachez qu’il pourrait y avoir un prix à payer.

Débours discrétionnaires

Dans l’affaire Ferme des Bisons, le problème était tout autre.

L’emprunteur s’était fait promettre par Capital Transit inc. une somme importante afin d’investir des fonds additionnels dans son entreprise et de tenter de la remettre sur la voie de la solvabilité.

L’acte de prêt prévoyait cependant que les versements étaient à l’entière discrétion du prêteur. Lorsque ce dernier a cessé d’avancer le capital, la relance espérée, faute de fonds à injecter, est rapidement devenue impossible.

Saisie d’un recours en prise en paiement intenté par l’emprunteur, la juge n’a pu faire autrement que d’y faire droit, bien qu’elle ait trouvé la situation déplorable.

Résultat : l’emprunteur s’est fait dépouiller d’une propriété valant plus de 2 000 000 $ en raison d’une dette d’environ 400 000 $.

Taux d’intérêt

Quant à la question des intérêts, il importe de mentionner que le Code criminel tient compte de tous les frais prévus par l’acte de prêt pour déterminer si un prêt est usuraire ou non (taux d’intérêt de plus de 60 % annuellement).

Autrement dit, il s’agit ici de déterminer le coût d’emprunt et non pas de s’arrêter au taux d’intérêt convenu.

Par exemple, dans Gestion Champlain, le taux d’intérêt convenu était de 22 %. Cependant, la convention prévoyait, en plus des frais de financement de 3 000 $ dont j’ai parlé plus haut, des frais d’émission de 8 000 $, le tout payable à même le premier versement… Bref, sur un prêt de 110 000 $, remboursable quatre mois plus tard, l’emprunteur ne recevait réellement que 99 000 $.

Or, en retenant l’approche du Code criminel, c’est-à-dire en incluant ces frais dans le calcul du taux d’intérêt et du capital prêté, le taux d’intérêt passerait de 22 % à près de 58 %…

À noter que ce jugement ne cite pas les termes de l’offre dans son intégralité, si bien que mes calculs pourraient ne pas refléter exactement la réalité.

Moyens de défense

Si un prêt se révèle usuraire, l’affaire n’intéresse pas seulement la police.

Un tel prêt peut être attaqué devant un tribunal civil comme étant contraire à l’ordre public.

De plus, sans être usuraire, un prêt peut être abusif (lésionnaire) au sens du Code civil du Québec (C.C.Q.).

En effet, comme il s’agit d’une exception à la règle générale voulant qu’un contrat ne puisse être annulé parce qu’il désavantage indûment l’une des deux parties, l’article 2332 C.C.Q. accorde beaucoup de latitude aux tribunaux pour remédier aux termes d’un prêt qui, compte tenu de toutes les circonstances, se révèle avoir un tel effet.

Les dispositions en matière de contrat d’adhésion (un contrat dont les termes sont imposés par l’une des parties) ou celles de la Loi sur la protection du consommateur pourraient également trouver application, le cas échéant.

Conclusion

Une petite recherche au registre des entreprises nous a permis de constater que les deux sociétés parties aux jugements cités dans le présent billet, soit Gestion Champlain inc. et Capital Transit inc., sont des sociétés liées, l’une étant l’actionnaire de l’autre.

De plus, il semble que Capital Transit ne se contente pas d’agir à titre de prêteur à court terme mais qu’elle exploite également un commerce de « reprise de finances » sous la dénomination de « Reprise Tandem ».

J’ignore s’il y a un lien avec ces deux sphères d’activité, mais il n’en demeure pas moins que si vous voulez éviter que votre résidence ou votre fonds de commerce se retrouve sur un site comme celui-ci ou celui-là, consultez un professionnel avant de conclure une convention de prêt sous le coup de la panique.

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