Ce sont les chauffeurs d’autobus scolaires qui sont maintenant dans l’œil de la caméra ! Ah oui ? Vraiment ?

À la suite de l’adoption en 2012 de la Loi visant à prévenir et à combattre l’intimidation et la violence à l’école, la Commission scolaire de l’Énergie a décidé d’exiger de la part de certains transporteurs scolaires qu’ils installent dans des autobus ciblés des caméras vidéo de surveillance. Dans les gros autobus identifiés, il y a deux caméras qui filment en continu les élèves lorsque l’autobus démarre, et ce, jusqu’à l’écoulement d’une dizaine de minutes après que celui-ci cesse de fonctionner: l’une est à l’avant, au plafond, en direction de l’arrière de l’autobus et vise les élèves; l’autre est installée à l’arrière avec vue vers l’avant, et dirigée vers ceux-ci. On peut apercevoir la tête du chauffeur seulement.

Le syndicat qui représente les chauffeurs n’a pas vu cette mesure d’un bon œil, clamant que le droit des chauffeurs à des conditions de travail justes et raisonnables ainsi que celui à la protection de leur vie privée, tous deux protégés par la Charte des droits et libertés de la personne, étaient brimés.

Voilà la question qui était soumise devant l’arbitre Pierre St-Arnaud dans l’affaire Syndicat du transport scolaire de la Mauricie-CSN et Autobus La Mauricie inc. (grief syndical).

D’abord, l’atteinte à la vie privée des chauffeurs est minimale. Le chauffeur peut être aperçu de dos par la caméra arrière de l’autobus, mais de très loin. Il n’est pas possible d’analyser ses gestes dans ces conditions.

Quant au droit à des conditions de travail justes et raisonnables, l’arbitre cite quelques décisions récentes sur le sujet, dont celle, très étoffée, de l’arbitre Francine Beaulieu, Syndicat démocratique des employés de garage Saguenay—Lac-St-Jean (CSD) et 9034-4227 Québec inc. (St-Félicien Toyota), et celle de Louise Viau, très récente, Teamsters Québec, section locale 106 et Linde Canada ltée (grief syndical), que j’ai signalée par un billet et qui met en cause le système «DriveCam».

L’arbitre Pierre St-Arnaud est d’avis, contrairement à ce que fait valoir le syndicat, que les caméras dans les autobus scolaires ne sont pas braquées en permanence sur les chauffeurs. Les données recueillies ne concernent pas leur façon de conduire. Il s’agit d’un système d’enregistrement beaucoup moins invasif que celui utilisé pour les chauffeurs mentionné dans l’affaire Teamsters, précitée. Même si les caméras fonctionnent en mode continu, elles sont orientées vers les élèves et non vers les chauffeurs.

Le but premier de ces installations, c’est d’assurer un meilleur contrôle de la discipline des élèves dans les autobus scolaires. L’employeur a prouvé qu’il y avait un objectif sérieux déterminé par la Commission scolaire : lutter contre l’intimidation et la violence faites par certains élèves. À ce sujet, le représentant de la Commission scolaire a témoigné que l’installation des caméras avait un effet dissuasif sur certains élèves… De plus, en tant que transporteur d’élèves, l’employeur est soumis aux nouvelles dispositions prévues à l’article 297 de la Loi sur l’instruction publique, qui crée des obligations en matière de lutte à l’intimidation et à la violence.

Ainsi, le transporteur scolaire n’a pas contrevenu au droit à des conditions de travail justes et raisonnables des chauffeurs prévu à l’article 46 de la charte. La caméra les «voit» – un peu ? mais ne les «regarde pas» !

Souriez, les jeunes, c’est vous qui êtes dans l’œil de la caméra… 

Références

  • Syndicat du transport scolaire de la Mauricie-CSN et Autobus La Mauricie inc. (grief syndical), (T.A., 2015-01-26), 2015 QCTA 73, SOQUIJ AZ-51147687.
  • Syndicat démocratique des employés de garage Saguenay—Lac-St-Jean (CSD) et 9034-4227 Québec inc. (St-Félicien Toyota), (T.A., 2013-03-21), SOQUIJ AZ-50962756, 2013EXP-1863, 2013EXPT-1068, D.T.E. 2013T-384, [2013] R.J.D.T. 734.
  • Teamsters Québec, section locale 106 et Linde Canada ltée (T.A., 2014-10-24), 2014 QCTA 943, SOQUIJ AZ-51127869.
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