Un petit clic… puis les employés chez la Brasserie Labatt reçoivent une carte magnétique avec leur photographie afin de pouvoir pénétrer dans l’usine, entrer dans le stationnement de l’entreprise et pointer afin d’assurer le contrôle de leur présence au travail. Un petit clic auquel ils ont consenti à des fins d’identification.

Pourtant, lorsque leur employeur, la Brasserie Labatt Canada, a utilisé cette photographie en l’affichant à leur poste de travail sur des tableaux reflétant le suivi qu’ils font de certains objectifs de performance, et ce, à l’occasion de l’implantation du «système de gestion KPI», imposé par la société internationale dont Labatt fait partie, le syndicat a réagi. Il s’agit de l’affaire Syndicat des_travailleuses et travailleurs  de la Brasserie Labatt (CSN) et Brasserie Labatt du Canada s.c.s.(grief collectif).

Le syndicat allègue que l’usage et l’affichage des photographies des opérateurs sur les tableaux d’indices de performance situés à leurs postes de travail sans qu’ils y aient consenti contreviennent à leur droit à l’image, qui est une composante du droit à la vie privée, ainsi qu’au droit à des conditions de travail justes et raisonnables, protégés respectivement par les articles 5 et 46 de la Charte des droits et libertés de la personne et du Code civil du Québec, et constituent une violation de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

La décision 

D’entrée de jeu, l’arbitre de griefs Nathalie Faucher rappelle que les politiques de l’employeur doivent respecter les dispositions de la convention collective ainsi que les lois et règlements applicables au Québec, et ce, même si de telles politiques sont appliquées mondialement.

Vie privée

L’arbitre rappelle la jurisprudence de la Cour d’appel selon laquelle le droit à la vie privée comprend trois volets : le droit à l’anonymat, le droit à la solitude et le droit au secret et à la confidentialité.

Ici, l’usage et l’affichage des photos des employés à des postes de travail dans l’usine ne constituent pas une atteinte au droit à l’anonymat. Il n’y a aucune diffusion publique. En effet, l’usine n’est pas un lieu ouvert au public et les photos ne sont pas publiées dans un média. Il ne peut y avoir d’expectative d’anonymat ou de discrétion quant à leur identité dans le milieu de travail.

Même si l’affichage des photos constituait une diffusion publique, il n’y a pas d’atteinte à la vie privée des salariés selon l’arbitre en raison d’une renonciation de leur part à ce droit. En effet, les photos utilisées ont été prises à des fins d’identification, et tous les employés ont consenti à ce que leur photo serve à cette fin. Selon l’arbitre, l’usage de la photographie contesté, soit celui d’identifier l’employé responsable de l’atteinte d’un indice de performance, s’inscrit dans le même objet. Il n’était pas nécessaire pour l’employeur d’obtenir un nouveau consentement de la part des employés.

Enfin, cette politique de gestion ne contrevient pas au droit à la solitude ni au droit au secret ou à la confidentialité. Il n’y a aucun lien avec des choix personnels des salariés.

Renseignements personnels

L’arbitre est d’avis qu’étant donné que les salariés ont consenti à l’usage de leur photo à des fins d’identité, l’affichage de celles-ci ne contrevient pas non plus à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

Par conséquent, la politique de gestion que l’employeur a implantée afin de satisfaire aux exigences de l’entreprise mondiale est valide. Il est à noter que l’arbitre ne s’est pas prononcée quant au droit à des conditions de travail justes et raisonnables au sens de l’article 46 de la charte.

Une petite «photo» pour la postérité ? Je dirais plutôt… pour la prospérité ! 

Références

Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Brasserie Labatt (CSN) et Brasserie Labatt du Canada, s.c.s. (grief collectif), (T.A., 2015-02-15), 2015 QCTA 119, SOQUIJ AZ-51152594.

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