La preuve issue de Facebook peut être déterminante pour évaluer la crédibilité d’un travailleur, réfuter un témoignage ou encore décider du diagnostic à retenir. Mais peut-on y avoir recours ?

Facebook : privé ou public?

En droit du travail et dans le domaine des assurances particulièrement, il est de plus en plus fréquent que les tribunaux soient appelés à considérer les preuves tirées de Facebook ou d’autres réseaux sociaux sans que cela semble être une atteinte à la vie privée au sens de l’article 5 de la Charte québécoise. Selon Me Pierre Trudel, professeur titulaire de la Chaire L.R. Wilson sur le droit des technologies de l’information et du commerce électronique, « l’acceptabilité de ce genre de preuve n’est jamais vraiment remise en question sur ce point spécifique. Il est difficile de prétendre en effet que ce qu’on publie sur Internet soit de nature privée ». D’ailleurs, lorsque les tribunaux sont saisis de cette question, la tendance constatée va aussi dans ce sens, allant même affirmer que « ce qui se retrouve sur un compte Facebook ne fait pas partie du domaine privé 1». Dans le cas où un intervenant de la CSST qui fait partie de la liste des amis d’un travailleur parvient à extraire de la preuve de son compte, par exemple, il est confirmé que « l’information émanant d’un compte Facebook obtenue légalement ne constitue pas une atteinte à la vie privée2 ».

Les amis de vos amis sont-ils vos amis?

Il en va de même aussi pour la preuve obtenue par le truchement d’une tierce personne. C’est le cas notamment lorsqu’un commentaire d’une partie peut être lu par l’autre partie, sans qu’elles ne soient dans leurs listes d’amis, puisque le commentaire en question a été inscrit sur la publication d’un ami commun. On y apprend que, « même si une personne qui détient un compte Facebook peut contrôler la liste de ses amis, il est difficile de contrôler l’accès à son profil aux amis de ses amis. On est donc loin du caractère privé du profil de cette personne et des commentaires qu’elle formule3 ». Enfin, dans l’affaire Campeau, une remarque est faite en lien avec la nature privée des commentaires faits et le nombre d’amis : « Facebook fait partie de la vie publique, et ce, même si la personne a mis des paramètres privés pour la protéger. L’effet viral de Facebook fait qu’à mesure que le nombre d’amis augmente l’expectative que l’information demeure privée baisse4 », peut-on lire.

La recevabilité de la preuve

Même si elle est admissible au motif qu’elle ne contrevient pas à des droits et libertés, la preuve issue de Facebook doit aussi répondre à d’autres conditions pour être recevable. En effet, selon les règles générales du droit civil, les tribunaux doivent aussi en apprécier la pertinence et la valeur probante. Le principe est clair : tout élément de preuve est recevable pourvu qu’il soit pertinent à la solution du litige. Malgré tout, Me Trudel fait remarquer qu’au sujet de la preuve tirée des réseaux sociaux « quelques prononcés de juges rappellent parfois qu’il faut toujours apprécier l’information de façon à ne pas perdre le point de vue du contexte dans lequel ça a été publié ».

Enfin, dans l’optique où la preuve issue de Facebook est un document au sens de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information, rappelons que, dans la mesure où on ne conteste pas l’intégrité du document ou qu’il n’y a pas de preuve prépondérante mettant en doute son intégrité, elle sera considérée comme intègre. « La preuve Facebook est un document technologique qui a la même valeur juridique, qu’il soit sur support papier ou sur un autre support5 ». En définitive, « même si dans certains pays, comme en France, on a recours à un huissier pour faire une capture d’écran de façon à avoir une preuve datée et identifiée dans le temps et l’espace, ici, un imprimé d’une page Facebook suffira puisque cela n’est en pratique jamais contesté », explique Me Trudel.

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