Le mois de juin et ses parfums du début de l’été invitent à la réflexion sur le choix des vacances… et peut-être aussi sur la place qu’occupe le travail dans notre vie. Est-ce bien facile de tracer une ligne entre notre «sphère d’autonomie personnelle»1 et notre vie professionnelle? La jurisprudence propose plusieurs illustrations de zones grises. D’entrée de jeu, rappelons les propos du juge LeBel dans Trudeau2 :

«[…] son statut de salarié ne créait pas un rapport de hiérarchie sociale qui le soumettrait, à tous égards, au regard et au pouvoir de l’employeur, en dehors même de son travail.»

Appelée à se prononcer sur la recevabilité en preuve d’une bande vidéo résultant d’une filature d’un salarié en arrêt de travail, la Cour d’appel a estimé que le problème ne pouvait se régler en donnant au concept de vie privée une signification essentiellement territoriale. Le droit à la vie privée comporterait des composantes telles que le droit à l’anonymat et à l’intimité, au secret et à la confidentialité. Cependant, cela ne signifie pas que toute surveillance par l’employeur hors des lieux du travail est illicite; il doit exister des motifs raisonnables avant de décider de soumettre un salarié à une surveillance.

Liberté d’expression

Un salarié peut exprimer publiquement une opinion différente de celle de son employeur ou même contraire à celle-ci3. Ainsi, un salarié suspendu pour avoir participé à une manifestation publique pendant son heure de repas a obtenu le retrait de cette sanction. Inversement, un employé a également le droit de refuser de manifester en appui à son employeur. La liberté d’expression protège le droit de ne pas participer à une manifestation4.

Lieux de travail

L’expectative de vie privée du salarié est plus restreinte sur les lieux de travail. À titre d’exemple, l’examen d’un ordinateur ayant révélé que le salarié l’utilisait à des fins de clavardage et de consultation de sites pornographiques a été jugé tout à fait justifié5, on ne s’en étonnera pas. En d’autres circonstances, on a jugé que l’expectative légitime de vie privée était pratiquement inexistante, comme dans le cas de cette préposée aux bénéficiaires filmée à son insu par la famille d’un résident qu’elle avait sérieusement malmené alors qu’elle se trouvait dans sa chambre6. On a également jugé acceptable qu’une entreprise de transport de matières dangereuses installe une caméra dans l’habitacle de ses camions permettant de capter en permanence les sons et les images des chauffeurs mais qui n’enregistrait que s’il y avait un incident déclencheur7. Même s’ils sont très invasifs, l’employeur peut exiger le recours aux tests de dépistage de drogues ou d’alcool s’il a des motifs sérieux et raisonnables de croire que l’un de ses salariés travaille sous l’influence de telles substances8. Par contre, les tests aléatoires ne passeront pas le test aussi facilement9

Et les réseaux sociaux dans tout ça…

Dans Landry et Provigo Québec inc. (Maxi & Cie)10, la CLP a fait une revue de la jurisprudence pour étayer ses conclusions selon lesquelles les commentaires, les images et les photos publiés sur un compte Facebook ne font pas partie du domaine privé, compte tenu de la multitude de personnes qui peuvent y avoir accès. Mais attention, ce n’est pas une preuve à toute épreuve11.

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