[Le conjoint marié ayant obtenu un jugement de séparation de corps ou le conjoint de fait, pour obtenir une rente de conjoint survivant] doit prouver une situation de vie maritale. Les critères établis par la jurisprudence sont la cohabitation, le secours mutuel et, accessoirement, la commune renommée. Qu’arrive-t-il lorsque la maladie entraîne l’hébergement en centre spécialisé avant le décès ou, dans la même veine, lorsque le cotisant meurt alors qu’il est incarcéré? 

Même en l’absence de cohabitation, il est possible de conclure au maintien de la vie maritale. La notion de secours mutuel prend alors toute son importance. J’ai retenu trois décisions du Tribunal administratif du Québec (TAQ) rendues ces derniers mois.

Dans G.L. c. Régie des rentes du Québec, la cotisante est décédée quatre ans après son placement dans un centre d’hébergement. Un jugement de séparation de corps a été prononcé au cours de cette période. Le TAQ a confirmé une décision de la Régie des rentes du Québec ayant rejeté la demande de rente de conjoint survivant du requérant. Une enquête a révélé que le requérant allait très rarement voir la cotisante au centre d’hébergement. C’était la famille de celle-ci qui prenait totalement soin d’elle. Bien que le requérant ait affirmé qu’il rendait visite à la cotisante régulièrement, l’enquête a révélé qu’il n’était pas connu des membres du personnel du centre d’hébergement. Ainsi, le requérant ne s’est pas occupé de son ex-épouse, il n’a pas pris soin d’elle ni veillé à son bien-être physique ou moral et il n’a pas pourvu à ses besoins ni ne s’est occupé de gérer ses biens. Ce ne sont pas quelques visites ou appels téléphoniques qui suffisent pour permettre de conclure à la présence d’un secours mutuel entre les parties.

[Les deux affaires suivantes mettent en cause des conjoints de faits.]

Dans R.R. c. Régie des rentes du Québec, le TAQ était plutôt appelé à se prononcer sur la cohabitation en raison d’adresses distinctes avant le décès de la cotisante. J’ai quand même inclus cette décision dans mon billet puisque c’est encore une fois la maladie qui est en cause, même si, dans ce cas, c’est le requérant qui a quitté la résidence pour des raisons de santé. La TAQ a jugé que les maladies respectives du requérant et de la cotisante démontraient leur obligation de se séparer temporairement pour préserver leur santé. Au cours de la période en litige, le requérant a souffert d’un grave cancer ayant nécessité de la chimiothérapie, condition physique superposée à une condition psychique fragile. Compte tenu du fait qu’il partageait la vie d’une femme qui elle-même éprouvait des problèmes de santé importants, il était tout à fait justifié et même recommandable qu’il bénéficie de périodes de retrait pour se soigner adéquatement. Mis à part ces séparations nécessaires et temporaires, ils ont toujours fait vie commune en tant que conjoints. L’hospitalisation de la cotisante lors des derniers jours de sa vie ne touche en rien la notion de «résidence» au sens de l’article 91 de la Loi sur le régime de rentes du Québec.

Enfin, G.P. c. Régie des rentes du Québec a trait au décès du cotisant alors qu’il était incarcéré depuis quatre ans et demi. La requérante n’a plus eu de contact avec lui durant cette période, hormis des appels téléphoniques faits par ce dernier. Elle ne lui a pas rendu visite, ne lui a pas écrit de lettres, ne lui a pas fait de cadeaux et ne lui a pas fait parvenir d’argent. Elle n’était pas la personne à appeler en cas d’urgence. Elle ne participait pas aux démarches légales du cotisant. De plus, lors de leurs conversations, il était principalement question de leurs enfants. Les seuls contacts téléphoniques ne démontrent pas le maintien d’une vie affective ni une intention ou un projet de vie commune. La preuve ne permet pas d’établir que la requérante et le cotisant se portaient mutuellement secours sur le plan affectif, moral et financier. Le refus de verser une rente de conjoint survivant était donc justifié.

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