Dans un précédent billet, il y a déjà quelques années, j’avais fait preuve d’un bel optimisme en affirmant que les règles assouplies appliquées aux prestataires de la sécurité du revenu recevant l’allocation de solidarité sociale (ou programme de contraintes sévères à l’emploi) en matière de succession allaient apporter la tranquillité d’esprit aux parents soucieux d’assurer l’avenir de leurs enfants handicapés après leur décès. L’optimisme est toujours de rigueur, mais il y a lieu de le tempérer puisque, actuellement, c’est encore le parcours du combattant pour les prestataires héritiers.

Pour bien comprendre la situation, il y a lieu de faire un bref rappel des faits. Lors de l’adoption des nouvelles règles, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MTESS) avait indiqué vouloir avantager les personnes handicapées dont les parents auraient pris soin une bonne partie de leur vie et qui recevraient un héritage. Ainsi, par l’adoption de l’article 164 paragraphe 4 du Règlement sur l’aide aux personnes et aux familles, les avoirs liquides et la valeur des biens reçus par succession dans le cas de prestataires bénéficiant de l’allocation de solidarité sociale sont exclus jusqu’à concurrence d’un montant total, qui est actuellement de 203 000 $.

Cependant, le MTESS a considéré que les sommes provenant d’une fiducie testamentaire ainsi que la transformation de l’héritage en montants hebdomadaires ou en rente viagère ne bénéficiaient pas de cette exclusion. Il a comptabilisé ces sommes, ce qui a été contesté devant le Tribunal administratif du Québec (TAQ). Celui-ci a rendu de nombreuses décisions, toutes unanimes, rejetant cette interprétation de l’article 164 paragraphe 4. Le problème, c’est que le MTESS persiste à appliquer son interprétation, laquelle est défavorable aux prestataires.

Dans une décision rendue en juillet dernier, le TAQ avisé le MTESS que cette situation devait cesser. Si ce dernier n’était pas d’accord avec les décisions rendues, il pouvait exercer différents recours. Cependant, il ne pouvait faire fi des interprétations du TAQ et présenter constamment les mêmes arguments à différentes formations.

Le TAQ a ajouté que la position actuelle du MTESS a comme effet de créer une confusion pour les bénéficiaires du programme de solidarité sociale. Ceux-ci ne peuvent savoir quelle est la norme applicable. De plus, il en résulte une inégalité de traitement entre les personnes qui se soumettent à la décision du ministre et celles qui contestent devant le TAQ. Ce dernier conclut qu’il est donc souhaitable que son interprétation de l’article 164 paragraphe 4 soit appliquée par le MTESS dans le traitement des dossiers de cette nature.

Cette décision a fait l’objet de deux articles dans Le Devoir, parus les 3 et 10 septembre 2015. Il semble que le MTESS a «pris acte» de la décision du TAQ et que l’affaire «est à l’étude».

Référence

S.L. c. Québec (Ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale), (T.A.Q., 2015-07-17), 2015 QCTAQ 0739, SOQUIJ AZ-51199202, 2015EXP-2528. À la date de diffusion, la décision n’avait pas été portée en révision.

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