Récemment, la Cour d’appel a rendu un jugement fort attendu par les parents qui bénéficient d’un chien d’assistance pour leur enfant. En effet, depuis 2003, la Fondation Mira octroie des chiens d’assistance aux familles d’enfants présentant un trouble du spectre de l’autisme ou autres troubles connexes. La présence de l’animal auprès de cette clientèle est bénéfique à plusieurs niveaux, notamment:

  • Amélioration de la vie sociale pour l’enfant et la famille;
  • Diminution des problèmes de sommeil;
  • Réduction du stress et de l’anxiété.

L’une des conditions importantes à remplir pour bénéficier d’un tel chien d’assistance est de ne pas laisser le chien seul. Celui-ci doit faire partie des activités quotidiennes de la famille (milieu de travail, scolaire, services de santé et lieux publics). Dans plusieurs cas, le chien ne pouvant accompagner l’enfant à l’école en raison des habiletés et besoins de ce dernier, il est recommandé que le chien d’assistance accompagne l’un des parents dans son milieu de travail afin de maintenir ses acquis.

Dans le dossier qui nous intéresse, des parents d’un enfant ayant un trouble du spectre de l’autisme se sont vu refuser l’accès à une chambre dans un gîte. En effet, le couple, profitant d’un séjour de l’enfant dans un centre de répit pour enfants autistes, désirait s’offrir un séjour de repos hors de leur résidence. Ainsi, les parents avaient réservé à l’avance une chambre au gîte des défendeurs. Dans l’intervalle, la Fondation Mira les a contactés afin de leur offrir un chien d’assistance pour leur fils. Enchantés par cette proposition, ils ont avisé sans délai les propriétaires du gîte qu’ils seraient accompagnés d’un chien d’assistance durant leur séjour. Cependant, les propriétaires du gîte ont refusé la présence du chien dans leur établissement et ont annulé la réservation.

Saisie du dossier, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a déposé une plainte au Tribunal des droits de la personne au motif que les propriétaires du gîte avaient compromis le droit des parents à l’accès à un lieu public sans discrimination fondée sur l’état civil et le moyen utilisé pour pallier le handicap de leur fils, contrevenant ainsi aux articles 10 et 15 de la Charte des droits et libertés de la personne. Or, le Tribunal a conclu qu’en l’absence de dispositions dans la charte ou dans une loi particulière attribuant un statut particulier à l’entraîneur d’un chien d’assistance ou aux tuteurs de la personne handicapée, il ne pouvait leur reconnaître la même protection que celle reconnue à la personne handicapée (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Côté (Matins de Victoria)).

Dans son arrêt du 25 septembre dernier, la Cour d’appel, sous la plume du juge Morissette, rappelle que les textes quasi constitutionnels tels que la Charte des droits et libertés de la personne doivent recevoir une interprétation «large et libérale». Le Tribunal des droits de la personne a eu recours à un principe d’interprétation inapproprié; il s’en est tenu strictement au texte de la disposition sans s’interroger sur l’intention du législateur. Le fait que d’autres juridictions aient adopté des dispositions protégeant particulièrement les dresseurs ou maîtres de chiens-guides ou de chiens d’assistance est intéressant mais a peu d’intérêt dans le présent dossier. L’interprétation large et libérale de la charte permet de confirmer que les parents d’un enfant présentant un trouble du spectre de l’autisme qui utilise un chien d’assistance pour pallier son handicap ont droit à la protection de l’article 10 et doivent avoir accès aux lieux publics lorsqu’ils sont accompagnés du chien, et ce, même en l’absence de l’enfant!

Ce jugement de la Cour d’appel confirme l’avis juridique émis en 2010 par la Commission des droits et libertés de la personne, qui indiquait que l’article 10 accorde les mêmes droits aux parents qu’aux enfants, compte tenu du contexte particulier dans lequel s’inscrit l’utilisation du chien d’assistance pour enfant présentant une trouble envahissant du développement.

Je me réjouis de cette décision de la Cour d’appel. Enfin, nous, parents d’enfants autistes, aurons un argument solide (voire une armure) afin d’avoir facilement accès aux lieux publics. Un baume sur une situation quotidienne parfois si lourde!

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