Jusqu’où peut aller le droit de l’employeur de demander de faire remplir des formulaires d’invalidité ? Il y a des limites à ne pas franchir… L’affaire Syndicat de l’enseignement des Deux-Rives (CSQ) et Commission scolaire des Navigateurs en est un bon exemple.

Le litige entre cette enseignante au niveau primaire et la Commission scolaire découle du fait qu’en surplus des certificats médicaux qu’elle avait fournis et de l’expertise médicale demandée par l’employeur à laquelle elle s’était soumise, ce dernier avait exigé systématiquement qu’elle fasse remplir, par un médecin, un rapport médical d’invalidité (formulaire standardisé RMI), à ses frais.

La demande de l’employeur était faite chaque fois où elle fournissait un certificat médical de son médecin traitant. Il voulait connaître l’existence ou non d’un plan de traitement.

Contravention à la convention collective

L’arbitre a d’abord mentionné que la preuve de l’«invalidité » s’établit au moyen d’un certificat médical. En circonscrivant dans la convention collective la portée du certificat médical à une attestation de «la nature et la durée de l’invalidité», l’arbitre s’est dit d’avis que les parties entendaient ainsi limiter la teneur des informations personnelles auxquelles l’employeur peut avoir accès.

Ici, la plaignante a fourni un certificat médical indiquant un diagnostic et une durée d’arrêt de travail de six semaines qui pouvait se prolonger. Selon lui, ces informations étaient suffisantes au sens de la convention.

Vie privée

Selon l’arbitre, si les informations relatives à l’état de santé d’une personne sont visées par le droit au respect de la vie privée, ce droit n’est pas absolu et peut connaître des limites raisonnables. Par un recours systématique au formulaire RMI, lequel cherche à obtenir le plan de traitement envisagé, l’employeur peut difficilement satisfaire, en toutes circonstances, à cette norme exigeante de justification d’une intrusion dans la vie privée.

Discrimination

La plaignante bénéficie aussi du droit de se voir reconnaître et d’exercer son droit au respect de la vie privée, en pleine égalité, c’est-à-dire sans discrimination fondée sur un motif illicite prévu à la charte. En raison de sa condition de personne enceinte (grossesse), atteinte d’un trouble psychologique, (handicap), la plaignante devait bénéficier de mesures d’accommodement de la part de l’employeur.

Or, au moment où la représentante de celui-ci lui a remis le premier formulaire à remplir, rien ne lui permettait de remettre en cause l’authenticité du certificat médical. Les demandes subséquentes de remplir un deuxième et troisième formulaire en sus des certificats médicaux donnés et du rapport d’expertise médicale reçu par l’employeur ne sont pas raisonnables non plus malgré la bonne foi de ce dernier. En effet, la bonne foi est sans pertinence en matière de discrimination.

L’anxiété vécue par la plaignante en raison de la situation aurait pu être évitée étant donné que le certificat médical initial respectait les exigences de la convention.

Obligation d’accommodement et contrainte excessive

Ici, à l’occasion du traitement du dossier de l’invalidité de la plaignante, l’employeur n’a pas suffisamment tenu compte de son handicap, et sa pratique de recourir systématiquement au formulaire RMI a eu, sur elle, un effet préjudiciable.

Cette pratique est incompatible avec l’obligation d’accommodement à laquelle il était tenu. Adapter son exigence à la condition de la plaignante n’aurait pas été une contrainte excessive.

Référence

Syndicat de l’enseignement des Deux-Rives (CSQ) et Commission scolaire des Navigateurs (T.A., 2015-07-17), 2015 QCTA 612, SOQUIJ AZ-51197873.

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