À une certaine époque, la majorité des touristes cherchaient un lieu d’hébergement auprès des chaînes hôtelières. Aujourd’hui, les gens offrent en location leur propre domicile par l’intermédiaire de sites Internet tels que celui d’Airbnb. Voici quelques décisions de nos tribunaux portant sur ce type de louage.

Tout d’abord, dans l’affaire Hamlet c. Khlari, les locateurs ont demandé la résiliation du bail de la locataire, car elle était membre de l’organisme Airbnb, lequel agit comme intermédiaire pour la location de nuitées d’hébergement chez des particuliers. La locataire avait une adresse Internet fournissant les détails de son logement offert en location, un calendrier indiquant sa disponibilité et le prix demandé pour son occupation (à compter de 70 $ par nuit). En outre, il a été prouvé qu’Airbnb a obtempéré à une mise en demeure des locateurs en fermant le site de la locataire. Ceux-ci invoquaient dans leur missive le caractère illégal de l’exploitation visée. En effet, l’article 1 du Règlement sur les établissements d’hébergement touristique fournit la définition suivante :

Constitue un établissement d’hébergement touristique tout établissement exploité par une personne qui offre en location à des touristes, contre rémunération, au moins une unité d’hébergement pour une période n’excédant pas 31 jours. En sont exclues les unités d’hébergement offertes sur une base occasionnelle […].

Quant aux articles 6 et 38 de la Loi sur les établissements d’hébergement touristique, ils sont également pertinents :

  1. Toute personne qui exploite un établissement d’hébergement touristique doit détenir une attestation de classification de cet établissement.

    La demande d’attestation de classification doit être présentée au ministre dans les conditions prescrites par règlement du gouvernement.

  1. Commet une infraction quiconque exploite un établissement d’hébergement touristique ou donne lieu de croire qu’il exploite un tel établissement sans être titulaire d’une attestation de classification décernée en vertu de la présente loi.

    Quiconque commet une infraction visée au premier alinéa ou à l’article 32 est passible, pour chaque jour ou partie de jour que dure l’infraction, d’une amende de 750 $ à 2 250 $ et, en cas de récidive, d’une amende de 2 250 $ à 6 750 $.

Dans cette cause, il a été démontré que le bail liant les parties est de nature résidentielle, que le logement n’est pas offert en location «sur une base occasionnelle», que la locataire ne détenait pas l’attestation requise par la loi et qu’Airbnb ne pouvait être qualifié de simple intermédiaire entre les voyageurs puisqu’il se charge de percevoir les loyers et qu’il fournit une assurance à ses adhérents pour les dommages éventuels reliés à la location.

Étant donné que la locataire a illégalement changé la destination des lieux loués, contrevenant ainsi à l’article 1856 du Code civil du Québec (C.C.Q.), et que ses agissements ont occasionné un préjudice sérieux aux locateurs, le tribunal a résilié son bail et ordonné son expulsion du logement.

Ensuite, dans l’affaire Fiore c. Dufour, la Régie du logement a aussi conclu que la locataire avait changé la destination de son logement en y louant trois chambres. Non seulement cette modification avait été effectuée à l’insu du locateur, mais la situation avait causé un préjudice sérieux à ce dernier en raison des troubles occasionnés par les occupants du logement. La locataire a évité la résiliation de son bail en cessant cette pratique.

Par contre, cette sanction a été appliquée dans Lépine c. Lafleur, où le locateur a démontré que la locataire avait transformé plus du tiers des lieux loués en une entreprise de location de chambres et d’une garçonnière de type gîte ou hôtellerie. En fait, celle-ci louait à court ou à moyen terme ses chambres et la superficie du sous-sol à des étudiants, à des stagiaires ou à des travailleurs de passage qu’elle recrutait au moyen d’une petite annonce. Quant au préjudice sérieux, le locateur a prouvé que l’absence de protection d’assurance pour l’usage commercial de la locataire pourrait se traduire, pour lui, par une absence de protection en cas de sinistre et l’exposait à des poursuites de la part des victimes.

Relativement à la question de l’assurance des lieux, le juge Bisson, de la Cour supérieure, dans Leblanc c. Axa Assurances inc., a réduit la réclamation d’une indemnité d’assurance en lien avec la destruction d’un chalet par un incendie en raison de l’absence de déclaration des assurés quant à la location occasionnelle de l’immeuble, ce qui constituait une aggravation du risque (art. 2411 et 2466 C.C.Q.).

D’autre part, la location d’une unité d’habitation peut causer problème en matière de copropriété divise, tel qu’en témoigne l’affaire Syndicat de copropriété Château Esplanade, phase II c. Carvalho. Dans celle-ci, une copropriétaire a offert la location de son unité pour des périodes relativement courtes sur divers sites ciblant les touristes. Même si la déclaration de copropriété permettait à un copropriétaire de louer sa partie exclusive, telle location ne devait pas s’effectuer dans le cadre d’une activité commerciale ni perturber la jouissance paisible de leurs voisins. Or, le juge a conclu que la copropriétaire avait transformé son appartement en «bed & breakfast» en contravention de la Loi sur les établissements d’hébergement touristique et de son règlement. D’ailleurs, l’article 6 de la loi exige que tout exploitant d’un tel établissement détienne une attestation de classification à cet effet. La copropriétaire a également enfreint le règlement sur les locations applicable dans l’immeuble, lequel interdit toute location à court terme (moins de 12 mois) sans l’autorisation des administrateurs et oblige le locataire à respecter la déclaration de copropriété. Il a donc été ordonné à la copropriétaire de cesser l’exploitation d’un établissement d’hébergement touristique dans son unité.

À titre de conclusion, je vous renvoie à un article traitant du sujet des locations de type Airbnb publié sur le site Les Affaires. Bonne lecture!

Références

  • Hamlet c. Khiari (R.D.L., 2014-10-29), 2014 QCRDL 44275, SOQUIJ AZ-51218244.
  • Fiore c. Dufour (R.D.L., 2015-04-23), 2015 QCRDL 12844, SOQUIJ AZ-51170457, 2015EXP-2023.
  • Lépine c. Lafleur (R.D.L., 2013-08-21), 2013 QCRDL 27956, SOQUIJ AZ-50997512, 2013EXP-3388. Requête pour permission d’appeler rejetée (C.Q., 2013-11-13), 500-80-026501-131.
  • Leblanc c. Axa Assurances inc. (C.S., 2014-09-22), 2014 QCCS 4393, SOQUIJ AZ-51109456, 2014EXP-2989, J.E. 2014-1706.
  • Syndicat de copropriété Château Esplanade, phase II c. Carvalho (C.S., 2013-11-27), 2013 QCCS 5952, SOQUIJ AZ-51022617, 2014EXP-8, J.E. 2014-5.
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