Refus d’accorder une promotion aux salariés, cols bleus de la Ville de Montréal, qui sont incapables d’accomplir 100 % des tâches de la fonction convoitée en raison de leurs limitations fonctionnelles… Existe-t-il une obligation d’accommodement de la part de l’employeur et, dans l’affirmative, quelle en est l’étendue?

Dans l’affaire Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal, section locale 301 et Montréal (Ville de), les parties ont convenu de répondre à cette question de façon préliminaire avant que l’arbitre ne se penche sur le fond de plusieurs griefs contestant les décisions de l’employeur ayant exclu la candidature de ces salariés qui présentaient des restrictions médicales. 

Selon le syndicat, l’exigence de l’employeur est discriminatoire au sens des articles 10, 16 et 20 de la Charte des droits et libertés de la personne. De son côté, l’employeur refuse l’accès à des postes qui font partie de fonctions supérieures, estimant que la description des fonctions supérieures qui précise chacune des tâches à exécuter constitue une exigence professionnelle justifiée au sens de l’article 20 de la charte.

La législation applicable :

  • L’article 10 de la charte prévoit les motifs interdits de discrimination, dont le handicap, une notion interprétée de façon large qui inclut les limitations fonctionnelles.
  • L’article 16 de la charte interdit la discrimination à toutes les étapes de la relation d’emploi, y compris la promotion et les conditions de travail d’une personne.
  • L’article 20 de la charte prévoit qu’une distinction, exclusion ou préférence fondée sur les aptitudes ou qualités requises par un emploi est réputée non discriminatoire.

Il faut savoir si l’exigence fixée par l’employeur constitue une exigence professionnelle justifiée au sens de l’article 20 et si l’employeur a satisfait à son obligation d’accommodement.

Qu’en est-il de l’obligation d’accommodement selon l’arbitre de griefs?

L’arbitre de griefs rappelle qu’en règle générale on peut affirmer qu’un employeur est en droit d’exiger qu’un salarié soit capable d’accomplir l’ensemble des tâches prévues à la description d’une fonction pour établir son admissibilité à occuper cette fonction dans un poste de travail déterminé.

Elle mentionne quelques affaires où la Cour suprême du Canada a eu à se prononcer sur l’obligation d’accommodement dans le contexte d’un emploi (MEIORIN, Hydro-Québec, Simpsons-Sears Ltd.). Elle tire de ces arrêts certains enseignements afin de donner un éclairage à la présente affaire :

  • Les mesures d’accommodement n’ont pas pour effet de créer une définition de tâches sur mesure par rapport à un poste de travail à l’intérieur d’une fonction déterminée.
  • Un employeur n’a pas l’obligation d’alléger ou de retirer des tâches liées à un poste de travail.
  • L’obligation d’accommodement exige de la part d’un employeur et d’un syndicat d’examiner les postes de travail reliés à une fonction afin de déterminer si un employé est apte à occuper l’un de ces postes malgré ses limitations fonctionnelles.

Ici, l’arbitre est claire: un employeur ne peut se limiter à déposer la description d’une fonction afin d’établir que les tâches qui y sont prévues constituent une exigence professionnelle justifiée selon l’article 20 de la charte. Elle conclut donc que l’exigence d’être capable d’accomplir 100 % des tâches d’une fonction afin d’être admissible à être promu à celle-ci ne constitue pas une exigence professionnelle justifiée au sens de l’article 20 de la charte du seul fait que chacune des tâches est énoncée particulièrement à la description des fonctions supérieures.

Pour démontrer qu’il s’agit d’une exigence professionnelle justifiée, l’employeur devrait établir que:

  • les tâches qu’un employé est incapable d’accomplir en raison de son handicap doivent être nécessairement effectuées dans les différents postes de travail reliés à cette fonction;
  • la seule façon d’accommoder cet employé serait de l’exempter de les accomplir.

Il s’agirait alors de la création d’un poste de travail sur mesure à l’intérieur de cette fonction équivalant à une contrainte excessive pour l’employeur.

Contrainte excessive

L’employeur a prétendu qu’il y aurait contrainte excessive s’il devait modifier une fonction supérieure pour en permettre l’accès à des employés dont la fonction régulière a déjà été adaptée afin de leur permettre de l’exercer malgré leurs limitations fonctionnelles. L’arbitre a répondu que l’employeur n’est pas libéré de son obligation d’accommodement relativement à l’accès à une fonction supérieure même s’il a déjà accommodé cet employé afin qu’il puisse exercer son emploi malgré ses limitations fonctionnelles.

Quant à la non-interchangeabilité des employés à l’intérieur d’une même fonction comportant plusieurs postes de travail, et ce, en raison de la croissance de la proportion d’employés ayant des limitations fonctionnelles, l’arbitre déclare que l’employeur devra notamment faire la preuve de ses difficultés dans l’organisation du travail en présentant les faits pertinents qui sont reliés aux postes et fonctions précis visés.

L’obligation d’accommodement demeure encore et toujours une approche individualisée…

Références

  • Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal, section locale 301 et  Montréal (Ville de) (griefs syndicaux), (T.A., 2015-11-24), 2015 QCTA 939, SOQUIJ AZ-51233897.
  • Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU (C.S. Can., 1999-09-09), SOQUIJ AZ-50067256, J.E. 99-1807, D.T.E. 99T-868, [1999] 3 R.C.S. 3.
  • Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), (C.S. Can., 2008-07-17), 2008 CSC 43, SOQUIJ AZ-50502617, J.E. 2008-1438, D.T.E. 2008T-607, [2008] 2 R.C.S. 561.
  • Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears Ltd. (C.S. Can., 1985-12-17), SOQUIJ AZ-86111012, J.E. 86-88, D.T.E. 86T-39, [1985] 2 R.C.S. 536.
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