Selon l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ), des centaines de maisons ont déjà servi à la culture de marijuana. Puisque ce fait n’est pas toujours de notoriété publique, l’organisme recommande aux courtiers immobiliers de porter attention à certains indices pouvant révéler qu’un immeuble a déjà servi à cette fin. Si ceux-ci ne sont pas décelés à temps par le courtier ou l’inspecteur en bâtiments retenu par l’acheteur, ce dernier risque par la suite d’avoir de mauvaises surprises… Voici quelques exemples tirés de la jurisprudence récente. 

Dans une récente affaire (Duchesneau c. Marion), l’acheteur ayant découvert que l’immeuble avait déjà servi à la culture de la marijuana réclamait à son vendeur le coût des travaux de décontamination requis. Le juge a conclu que non seulement les moisissures décelées dans l’immeuble contribuaient à la détérioration progressive de celui-ci, mais qu’elles constituaient également un risque pour la santé des occupants. Il a jugé non crédible la version du vendeur, qui affirmait n’avoir jamais eu connaissance de cette plantation de cannabis sur les lieux, que le locataire aurait laissés en bon état. Or, le juge a noté que le démantèlement de l’équipement dans le contexte d’une perquisition n’avait pu se faire sans laisser de traces et que le vendeur avait tenté de camoufler celles-ci. Il a donc condamné ce dernier à payer 15 000 $ à l’acheteur.

Dans Cordero c. Sebti, la Cour d’appel a également conclu que la présence de spores au sous-sol de l’immeuble vendu par l’appelant et utilisé comme lieu de production de cannabis constituait un vice caché. Le déficit d’usage avait été démontré par le témoignage de deux experts, qui ont confirmé que les fondations devaient être décontaminées. Le juge de première instance avait accordé aux acheteurs une diminution du prix de vente de 25 000 $, tout en ordonnant le remboursement du coût des travaux correctifs (17 437 $), mais la Cour d’appel a conclu qu’il s’agissait là d’un double emploi. D’ailleurs, aucune preuve n’avait démontré que l’immeuble avait perdu de sa valeur du seul fait qu’il y avait eu une plantation de cannabis sur les lieux pendant deux ou trois mois. La Cour a donc maintenu la condamnation relative aux dommages moraux (5 000 $) pour les inconvénients subis par les acheteurs ainsi que celle pour les travaux correctifs, mais elle a retranché la somme de 25 000 $ accordée à titre de diminution du prix de vente. Au total, c’est donc 22 437 $ que le vendeur a dû payer aux acheteurs.

Enfin, dans Berardini c. Bashaw, les acheteurs d’une résidence qui ignoraient lors de la vente que l’immeuble avait fait l’objet d’une perquisition pour culture de cannabis ont obtenu des vendeurs une diminution du prix de vente de 81 782 $ afin de compenser la perte subie lors de la revente ainsi que des dommages-intérêts de 25 000 $. Les vendeurs savaient que la maison avait été utilisée pour cultiver de la marijuana, mais ils avaient omis d’en informer les acheteurs. Cette information est de nature à influer sur une transaction immobilière. Les acheteurs n’ont pas à prouver qu’il en a résulté un vice caché. D’ailleurs, le courtier des acheteurs, qui avait plusieurs années d’expérience, a affirmé que le fait qu’il y ait déjà eu une culture de marijuana dans un immeuble était pire que la survenance d’un suicide, d’autant plus lorsque des gens veulent acheter une résidence pour y loger des enfants. Le consentement des acheteurs avait été vicié par le dol des vendeurs.

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